La Haut-Commissaire des Nations-Unies aux Droits de l’homme, Michelle Bachelet, a exprimé son indignation vendredi 26 octobre à Genève face aux expulsions collectives par le gouvernement Angolais d’environ 330.000 ressortissants congolais. Une décision prise depuis début octobre à l’encontre des non-nationaux en situation irrégulière.
L’Onu estime que cette décision va à l’encontre du droit international et de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples qui interdisent l’expulsion collective de non-nationaux sans une évaluation individuelle ou d’autres garanties d’une procédure régulière. A ce jour, les personnes rapatriées se retrouvent dans une situation extrêmement précaire dans les provinces frontalières du Kasaï central et du Kwango en RDCongo.
Certains des migrants sont accueillis par des familles ou dans des abris de fortune mais beaucoup dorment dans les rues, avec un accès insuffisant aux soins de la santé et à la nourriture, de graves pénuries d’eau et un manque d’hygiène adéquate. « En expulsant un si grand nombre de personnes en si peu de temps, l’Angola a mis des dizaines de milliers de familles en danger », a déclaré la Haut-Commissaire des Nations-Unies aux Droits de l’homme.
Les expulsés abusés de toutes parts
L’ONU hausse le ton et lance un appel à l’endroit de l’Angola pour la cessation des expulsions et a mis en garde tous les responsables de violations des droits de l’homme. « J’appelle le Gouvernement angolais à suspendre les expulsions en cours jusqu’à ce qu’il puisse s’assurer que tous les retours seront effectués dans le plein respect de l’état de droit et des droits de l’homme de tous les migrants touchés. J’exhorte également le Gouvernement à veiller à ce que les forces de sécurité et les autres responsables de violations commises au cours de ces expulsions répondent de leurs actes devant la justice », a souligné la patronne des droits de l’homme de l’ONU.
Ces expulsions collectives ont entraîné de graves violations des droits de l’homme par les forces de sécurité des deux côtés de la frontière. Les forces de sécurité en Angola ont fait un usage excessif de la force lors de leurs opérations d’expulsion de ressortissants congolais et auraient fait six morts.
L’équipe du Bureau Conjoint des Nations-Unies aux Droits de l’homme a également reçu de nombreuses autres allégations de meurtres qu’elle n’a pas été en mesure de confirmer. Les rapports suggèrent également qu’au moins 100 personnes ont été blessées. Plusieurs migrants ont également affirmé qu’à leur arrivée à Kamako, elles ont été soumises par les forces de défense et de sécurité en RDC à des extorsions et à une imposition de taxes illégales. Il y a eu des allégations de détention arbitraire de retournés.
L’ombre de cycles des violences au Kasaï
Michelle Bachelet a également exhorté le Gouvernement de la RDC à veiller à ce que les rapatriés soient protégés contre les extorsions menées par les forces de sécurité et les violences, en particulier étant donné l’absence continue de poursuites pour les graves violations des droits humains commises dans la région du Kasaï entre 2016 et 2017.
« J’exhorte le Gouvernement de la RDC à veiller à ce que les membres des forces de sécurité susceptibles d’être responsables de violations passées et présentes à l’encontre de personnes, quelque soit leur appartenance ethnique, fassent l’objet d’enquêtes en vue de garantir la justice aux victimes, » a-t-elle déclaré. Il a été rapporté que des membres de l’ethnie Tshokwe se sont joints aux forces de sécurité angolaises pour procéder aux expulsions.
Compte tenu de la présence continue de groupes armés, divisés sur la base de considérations ethniques dans la région du Kasaï, la Haut-Commissaire Bachelet a mis en garde contre un risque de violence intercommunautaire si la situation n’était pas gérée avec soin par les autorités. « À défaut, je crains que nous n’assistions à une répétition des cycles de violences terribles qui ont éclaté dans le Kasaï en 2016». La Haut-Commissaire a également appelé le gouvernement de la RDC et la communauté internationale à redoubler d’efforts pour répondre aux besoins humanitaires urgents des rapatriés dans le Kasaï, le Kasaï central et le Kwango.
Christiane EKAMBO