Dans un contexte de recomposition accélérée des équilibres géopolitiques, la 3ᵉ édition du Sommet Africa Political Outlook s’est imposée comme un espace stratégique de réflexion sur la place de l’Afrique dans la gouvernance mondiale. Sous le thème évocateur « Nouveau Sud, Vieux Monde », l’événement a rassemblé du 26 au 27 mars 2025, à Bruxelles, des figures de premier plan du monde politique, économique et multilatéral pour dessiner de nouvelles trajectoires d’influence pour le continent africain.

Dès l’ouverture, le ton était donné : « L’Afrique ne se contente pas de s’adapter aux transformations mondiales ; elle les façonne », a affirmé S.E. Moses Vilakati, Commissaire de l’Union africaine pour l’Agriculture et le Développement rural, représentant le président de la Commission de l’UA. Il a souligné le rôle central de l’Afrique dans les réponses aux défis globaux, notamment ceux liés à la sécurité alimentaire.

« la réforme urgente du système financier international », c’est le point majeur inscrit au cœur des discussions. Camilla Brückner, Directrice du bureau du PNUD à Bruxelles, a alerté sur le retard inquiétant dans la réalisation des Objectifs de développement durable (ODD), avec seulement 17 % des cibles sur la bonne voie. Elle a appelé à « des mécanismes innovants » pour mobiliser les investissements durables et garantir un accès équitable à l’énergie.

La Ministre égyptienne Dr. Rania Al-Mashat a vivement dénoncé le déséquilibre structurel du FMI : malgré une majorité numérique des pays du Sud parmi les membres, ils ne détiennent que 37 % des droits de vote. « Il faut aller au-delà des discours inclusifs pour instaurer un réel partage du pouvoir », a-t-elle insisté.
Le sommet a également mis en lumière les grands leviers de transformation du continent : souveraineté alimentaire, transition énergétique et industrialisation durable, ce que les organisateurs appellent le « Grand Bond Vert ». L’ambassadeur Al-Moustapha Kouyaté, envoyé spécial du Président libérien, a présenté le Fonds national pour l’agriculture, une initiative qui fédère agriculteurs, capitaux publics et privés autour d’un objectif d’autosuffisance.
Plusieurs voix ont appelé à redéfinir la relation entre l’Afrique et l’Europe. Papa Amadou Sarr (AFD) a lancé un message clair : « L’Europe doit désormais changer de paradigme : investir, investir, investir. ».
Un appel relayé par les représentants européens qui ont mis en avant l’initiative Global Gateway 150 milliards d’euros mobilisés pour les infrastructures à travers des partenariats innovants.
Pour Younous Omarjee, vice-président du Parlement européen : « Il faut voir l’Afrique pour ce qu’elle est : un acteur géopolitique central du XXIᵉ siècle. »
Le sommet a également exploré l’avenir technologique du continent. Samson Itodo, membre du groupe de travail UA sur l’IA, a présenté des initiatives africaines utilisant l’intelligence artificielle pour améliorer la gouvernance. L’ambassadeur Bitenge Ndemo a lancé un plaidoyer pour une adoption plus rapide :« L’IA n’est pas une option. Elle est déjà là, dans nos hôpitaux, nos fermes, nos écoles. »
Le Prix Africa Political Outlook pour le Leadership, la Gouvernance et l’Impact a honoré trois figures d’exception à savoir : Myriam Dossou d’Almeida, du Togo, pour l’élargissement de la couverture santé, Dr. Rania Al-Mashat, pour sa promotion de la prospérité inclusive, et Jean-Yves Ollivier, pour ses actions de médiation en Afrique australe et centrale.
Christiane EKAMBO