+VIDEO. Il s’est vendu deux fois moins d’écrans que l’an dernier sur les six premiers mois de l’année. Les fabricants cassent les prix.

Les professionnels du secteur avaient beau s’y attendre, la chute est brutale. Après une année 2016 exceptionnelle à tous points de vue, le cru 2017 des ventes de téléviseurs marque un recul sans précédent.
Sur les six premiers mois de l’année, selon les données de l’institut GfK, il s’est vendu en France tout juste 2 millions de téléviseurs, contre 3,9 millions à la même époque un an plus tôt, soit une baisse de 46 % en volume.
« C’est une catastrophe, confie un professionnel du secteur. On ne pensait pas que cela prendrait de telles proportions. Les grandes marques ont dégainé des offres de remboursement (ODR) conséquentes pour essayer de limiter la casse, mais les distributeurs ont encore des stocks de début d’année et ne vont pas se réapprovisionner de sitôt. Les enseignes qui ont une ou plusieurs marques de distributeurs (MDD) bloquent souvent les achats pour favoriser l’écoulement des stocks de MDD qui leur brûlent les doigts. » Les magasins d’électronique sont en effet nombreux à avoir leurs propres marques en rayon, qu’il s’agisse de But avec Aya, Electro Depot avec Edenwood, ou encore Conforama avec Saba et Grandin, etc.
Samsung, LG, Panasonic proposent tous en cette rentrée de rembourser jusqu’à 500 euros pour l’achat d’un téléviseur haut de gamme. Et ce ne sont pas les seuls : Philips ou Grundig offrent 200 euros. Sony rembourse 15 % de la valeur de certains téléviseurs à ses clients… après avoir poussé ses propres ODR à 1.000 euros au mois de juillet.

Retour à la normale

« On accuse un gros contrecoup, mais seulement un peu plus dur que prévu. Il devrait s’écouler 4,9 millions de téléviseurs cette année, environ 150.000 de moins que ce que nous pensions initialement, dédramatise Michael Mathieu, directeur des marchés de l’image et des télécoms chez GfK. Le marché se stabilise. On retourne à 5 millions de pièces par an, de manière assez logique. Les 6,5 millions de téléviseurs vendus l’an dernier l’ont été grâce à deux facteurs conjoncturels : le switch [ le passage des chaînes TNT de la norme Mpeg-2 à Mpeg-4 en avril 2016] et la Coupe d’Europe de football, qui ont poussé les consommateurs à se rééquiper. »
L’institut d’analyse pointe que le marché français, à l’époque de l’écran cathodique, se situait aux alentours de 4,5 millions de pièces par an. Certes, le passage à l’écran plat – plus adapté pour équiper une cuisine ou une chambre d’un écran secondaire – a fait augmenter le parc, d’environ 20 %. Mais les tablettes, smartphones et PC ont un peu rogné sur ce relais de croissance. Et la barre des cinq millions de pièces semble un horizon indépassable à moyen terme.

VIDEO. Le marché français de la télévision s’écroule

La période de transition vers les écrans plats, depuis le début des années 2000, n’a finalement été qu’une parenthèse dorée pour l’industrie, marquée par le pic de 2010-2011 aux alentours de 10 millions d’unités vendues.
« Des ruptures technologiques comme celle-là, on n’en connaît qu’une dans une carrière », sourit Michael Mathieu quand on lui fait remarquer que les innovations de ce type manquent aujourd’hui pour espérer relancer les ventes.

Montée en gamme

Même l’arrivée de la « smart TV », un écran connecté à Internet pour accéder à ses contenus sur la Toile directement, ne fait pas vraiment recette. En France, où un foyer sur deux reçoit la télévision via la box de son opérateur, l’intérêt des consommateurs reste limité pour les portails des fabricants. Avant même d’être devenue un argument de vente, la « smart TV » a été reléguée au rang de fonctionnalité, intégrée par défaut sur tous les écrans au-dessus de 600 euros.
Pour les constructeurs, la seule bouée de secours est la montée en gamme. Les écrans de plus de 50 pouces et l’Oled se portent bien. « Nous avons déjà vendu 25.000 téléviseurs Oled depuis le début de l’année, soit autant que sur toute l’année 2016 », se félicite-t-on chez LG. Grâce à cela, le marché français, au premier semestre, n’avait baissé « que » de 39 %, avec un prix moyen revenu à 425 euros, son niveau de 2015, alors qu’il avait chuté à 372 euros l’an dernier en raison de la prédominance des petites tailles.
Seulement ces chiffres ne tiennent pas compte… des offres de remboursement, qui sont déjà nombreuses et devraient se multiplier. « Quand le marché est tourmenté, il faut tenir des objectifs de volume, constate Michael Mathieu. On s’attend à une fin d’année agitée, avec pas mal d’ODR, surtout sur les écrans de grande valeur ».

SEBASTIEN DUMOULIN/lesechos.fr