L’ancienne femme de Nelson Mandela est décédée lundi à l’âge de 81 ans. Elle avait repris le combat de son mari lorsque celui-ci était en prison, avant d’être accusée de violation des droits de l’homme et de fraude.
Née en 1936, elle est comme Nelson Mandela originaire de la province du Cap oriental. A la fin de ses études, elle décroche un diplôme universitaire de travailleur social, une exception pour une femme noire à l’époque. Elle devient ainsi en 1955 la première assistante sociale noire du pays dans un hôpital de Soweto, le township noir de Johannesburg.
Son mariage en juin 1958 avec Nelson Mandela – elle a 21 ans, et lui, divorcé et père de famille, presque 40 – est vite contrarié par l’engagement politique de son mari. «On n’a jamais eu vraiment de vie de famille (…) on ne pouvait pas arracher Nelson à son peuple. La lutte contre l’apartheid, la Nation venaient d’abord», écrit-elle dans ses mémoires. Après leur mariage, Nelson Mandela entre très vite dans la clandestinité. Restée seule avec leurs fillettes après son arrestation en août 1962, Winnie maintient la flamme du combat contre le régime raciste blanc.
La jeune assistante sociale est alors la cible de manœuvres d’intimidation et de pressions constantes. Emprisonnée, astreinte à domicile, bannie dans un bourg à l’écart du monde où sa maison est visée par deux attaques à la bombe… Mais rien n’arrête la résistante, qui continue à défier les autorités blanches. Elle devient l’une des figures de proue du Congrès national africain (ANC), fer de lance de la lutte anti-apartheid. En 1976, elle appelle les lycéens de Soweto révoltés à «se battre jusqu’au bout».
«Violations des droits de l’homme»
La radicale «passionaria des townships» se révèle pourtant, avec le temps, un handicap et une gêne pour l’ANC. Alors que les traîtres présumés à la cause anti-apartheid sont brûlés vifs, avec un pneu passé autour du cou, elle déclare que les Sud-Africains doivent se libérer avec des «boîtes d’allumettes». Un véritable appel au meurtre. Winnie s’entoure d’un groupe de jeunes hommes formant sa garde rapprochée, le «Mandela United Football Club» (MUFC), aux méthodes particulièrement brutales.
En 1991, elle est reconnue coupable de complicité dans l’enlèvement d’un jeune militant, Stompie Seipei. Elle est condamnée à six ans de prison, une peine ultérieurement commuée en simple amende. En 1998, la Commission vérité et réconciliation (TRC) chargée de juger les crimes politiques de l’apartheid déclare Winnie «coupable politiquement et moralement des énormes violations des droits de l’homme» commises par le MUFC. «Grotesque», répète celle que l’on surnomme la «Mère de la Nation», même si des témoins l’accusent de torture.
«Elle était une formidable égérie de la lutte, une icône de la libération», dira d’elle le prix Nobel de la paix Desmond Tutu, président de la TRC et ami de Nelson Mandela. «Et puis, quelque chose a terriblement mal tourné».
L’image du couple Mandela, marchant main dans la main à la libération du héros anti-apartheid en 1990, après 27 ans de prison, a fait le tour du monde. Mais les époux ne se sont jamais retrouvés. Ils ont fini par divorcer en 1996 à l’issue d’une sordide procédure qui a révélé les infidélités de Winnie.
Nommée vice-ministre de la Culture après les premières élections multiraciales de 1994, Winnie est renvoyée pour insubordination par le gouvernement de son époux, un an plus tard. Mise au ban de la direction de l’ANC, condamnée une nouvelle fois en 2003 pour fraude, Winnie fait tout de même son retour en politique quatre ans plus tard en intégrant le Comité exécutif du parti, l’instance dirigeante de l’ANC. Elle multiplie les contradictions. Députée depuis 1994 et réélue à chaque élection, elle brille par son absence au Parlement. Celle qui mène grand train prend régulièrement la défense des plus pauvres.
Elle critique vertement l’accord historique passé par son illustre mari avec les Blancs pour mettre fin à la ségrégation. «Mandela nous a abandonnés», assène-t-elle, «l’accord qu’il a conclu est mauvais pour les Noirs».
L’animosité de son ancien mari a même continué même après la mort de ce dernier en 2013. Il ne lui a rien légué. Furieuse, elle a engagé une bataille pour récupérer la maison familiale de Qunu (sud). La justice l’a récemment déboutée de ses demandes.