Les chefs d’État russe, iranien et turc se réunissent mercredi à Ankara pour un sommet tripartite visant à relancer la quête d’un règlement du conflit en Syrie, où les trois pays se sont imposés en maîtres du jeu.
Les chefs d’État russe Vladimir Poutine, turc Recep Tayyip Erdogan et iranien Hassan Rohani, dont les pays se sont imposés comme les maîtres du jeu du conflit syrien, doivent se rencontrer mercredi 4 avril à Ankara pour un sommet tripartite visant à relancer la recherche d’un règlement.
La Russie et l’Iran, soutiens du président Bachar al-Assad, et la Turquie, soutien des rebelles syriens, sont les parrains du processus d’Astana, qui a notamment permis la mise en place de quatre « zones de désescalade » en Syrie.
Mais la quête d’un règlement du conflit syrien, qui a fait plus de 350 000 morts depuis 2011, patine notamment du fait des intérêts contradictoires de Moscou, Ankara et Téhéran et sur le sort du président syrien.
« Mains libres »
La dernière rencontre entre ces trois dirigeants a eu lieu le 22 novembre à Sotchi, aboutissant à un Congrès national syrien dans la station balnéaire russe, qui s’est soldé par un retentissant échec. « L’objectif de ce sommet tripartite (…) est de réorganiser et de renégocier les zones d’influence en Syrie, ainsi que de réfléchir à l’avenir du nord de la Syrie (…) après le retrait américain », explique Jana Jabbour, docteure associée au CERI/Sciences Po et spécialiste de la Turquie.
Le président américain Donald Trump a réitéré mardi sa volonté de retirer les troupes américaines de Syrie, assurant qu’une décision serait prise « très rapidement ». Quelque 2 000 soldats américains sont déployés en Syrie dans le cadre de la lutte contre l’organisation État islamique (EI). Le retrait des Américains laisserait de facto les mains libres à la Turquie, la Russie et l’Iran.
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Grâce au soutien de Moscou et Téhéran, le régime d’Assad a réussi à reprendre plus de la moitié du territoire syrien. « L’ampleur du poids de la Russie et de l’Iran sur le gouvernement syrien n’est pas clair sur certains points, mais j’imagine que s’ils décident collectivement de faire pression sur Assad, ils peuvent aller assez loin », affirme Aron Lund, du think-tank américain Century Foundation.
« Assad a besoin d’eux pour reprendre du terrain et rester à flot économiquement. Mais cela ne signifie pas qu’il accepterait, par exemple, qu’on lui dise de démissionner », ajoute-t-il toutefois.
De son côté, Ankara, principal soutien des rebelles, les a aidés à prendre le contrôle de larges pans de territoire dans le nord du pays. Après que les forces turques, flanquées de supplétifs syriens ont pris le 18 mars le bastion kurde d’Afrine aux Unités de protection du peuple (YPG), le président Erdogan assure vouloir étendre l’offensive plus à l’Est, notamment à Manbij, où des soldats américains sont stationnés aux côtés des YPG, leurs alliées dans la lutte contre l’EI.
Frictions entre Ankara et Téhéran
Au cours du sommet de mercredi, la Turquie espère s’assurer du soutien russe et iranien pour la poursuite de ces opérations. « En échange (…), la Russie et l’Iran s’attendent à ce qu’Ankara utilise son influence sur des groupes d’opposition pour les ramener à la table des négociations », analyse Jana Jabbour.
Mais ces discussions s’annoncent compliquées. Le ministre iranien des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, a ainsi souligné mardi soir à Ankara « qu’aucune justification n’est acceptable pour violer l’intégrité territoriale de la Syrie », selon des propos rapportés par l’agence Irna.
La province syrienne d’Idlib reste également un sujet brûlant, surtout si le régime, qui est en passe de reprendre la Ghouta orientale aux rebelles, décide de s’y attaquer. Cette région, dans le nord-ouest de la Syrie, échappe en effet presque entièrement au contrôle du régime syrien, et est actuellement dominée par les jihadistes de l’ex-branche syrienne d’Al-Qaïda. Mais il s’agit aussi d’une « zone de désescalade » dans laquelle la Turquie a établi plusieurs postes d’observation, ce qui n’empêche pas le régime d’y effectuer des attaques sporadiques.
Idleb pourrait « saborder » la coopération entre la Russie, l’Iran et la Turquie, met en garde Elizabeth Teoman, analyste à l’Institute for study of war (ISW). « Les tensions russo-turques vont émerger à nouveau lorsque la coalition pro-régime se concentrera à nouveau sur la province d’Idleb ».
Avec AFP