Nord-Kivu : sans nouvelles de son mari, une déplacée de guerre, mère de triplées fuit la cité de Kanyabayonga malgré les effets douloureux de la césarienne

Sans nouvelles de son mari, Kahambu Muvatsi Judith, une déplacée de guerre, mère de triplées fuit la cité de Kanyabayonga malgré les effets douloureux de la césarienne. Approchée par le correspondant du journaldesnations.net à Butembo, elle fait le récit du calvaire qu’elle a vécu pendant sa grossesse jusqu’à l’accouchement sous la contrainte des violences semées par les conflits imposés à la RDC par le Rwanda sous couvert du M23.

Dans l’Est de la République Démocratique du Congo, le conflit en cours dans le Nord-Kivu à la suite de l’activisme des combattants du M23 et de l’ADF a contraint des milliers de personnes à se déplacer de force. Si les uns sont cantonnés dans des sites de déplacés principalement à Goma, cela n’est pas le cas pour les autres dans le reste de la Province notamment dans les villes de Butembo et Beni. Ici, des femmes, des enfants dépourvus de presque tout, vivent dans des familles d’accueil confrontées d’avance à la vie chère. C’est à l’instar de Madame Kahambu Muvatsi Judith, 22 ans, et mère de triplées.

C’est un visage qui fond en larmes dès que nous approchons cette femme qui porte des triplées et acueillie à Butembo. Kahambu Muvatsi est originaire de Kibirizi dans le territoire de Rutshuru. Les niveaux de violence observés dans sa localité fin mai et début juin 2024 étaient horribles couplés à des épisodes terrifiants de détresse, poussant des milliers de populations civiles à se déplacer de force. C’est dans ce contexte que la jeune dame a pris le courage de quitter Kibirizi parcourant ainsi à pieds une distance de plus de 50 Kilomètres pour relier Kanyabayonga, une première vaste agglomération conquise par le M23 dans le territoire de Lubero. 

Un calvaire vécu alors que Judith avait une grossesse à terme, la troisième depuis qu’elle vit en couple. Une fois à Kanyabayonga, la déplacée n’a pas pu continuer son voyage suite à son état de santé. Une semaine après, sa mère biologique l’avait conduit dans un établissement sanitaire où elle a donné naissance par césarienne à trois filles : Keysha, Gentille et Kereine.

« La situation était compliquée. Je n’avais pas d’argent pour me payer le taxi. Mon unique choix était de faire les pieds. Malheureusement, j’avais quitté Kibirizi à l’absence de mon mari. Et jusque-là je n’ai pas ses nouvelles », relate Judith sous une voix cassée tout en allaitant l’une de ses bébés.

Alors qu’elle était encore en plein suivi médical, la situation avait dégénéré autour de son milieu de refuge à cause des affrontements qui opposent la coalition des forces armées congolaises et des jeunes patriotes aux éléments du M23 appuyés par le Rwanda.

« Des bombes commençaient à tomber dans des quartiers. Pour se mettre à l’abri, il fallait que nous quittions Kanyabayonga même si la plaie était encore fraîche », rapporte Maman Keysha, la mère de 5 enfants à l’âge de 22 ans. Malgré les besoins croissants pour elle et ses enfants, Judith n’avait qu’un seul choix pour affronter une trajectoire d’une dizaine de Kilomètres afin d’atteindre la localité de Kayna sur la nationale n°2. C’est à partir de là qu’elle a trouvé un véhicule occasionnel pour respirer l’air de Butembo, l’une des grandes villes du Nord-Kivu qui hébergent des milliers de déplacés internes.

« Je n’ai rien payé. Le propriétaire a eu pitié de moi en voyant mes trois bébés. Voilà, je suis arrivée à Butembo », indique-t-elle.

Image stressante de Judith à Butembo

Judith a été accueillie dans une famille de plus de 30 personnes au quartier Ngere à l’extrême Ouest de la ville. Dans ce ménage de 5 chambres, les déplacés sont estimés à plus de 18 tous venus des différentes agglomérations troublées depuis la flambée des violences armées. Face à un défi d’espace, les heures de sommeil sont stressantes. Mais, Judith a su s’adapter.

« Avec mes trois bébés, nous dormons sur une bâche. Nous utilisons les pagnes comme couverture. Ce n’est pas du tout facile, car mes enfants sont exposés à des maladies », fait savoir la mère de triplées. Dans ce contexte humanitaire épouvantable, Judith exprime d’énormes besoins urgents en matière de nourriture, de protection, de soutien à la santé. Elle tend la main aux bonnes volontés à ces termes.

« Je remercie la famille qui m’a accueilli à Butembo. Pour le moment, je n’ai rien pour prendre en charge mes enfants. Tous les dons sont les bienvenus pour la survie de mes filles », martèle Maman Kereine.

Depuis le début de l’année 2024, plus de 358 000 personnes se sont nouvellement déplacées en RDC portant le total à environ 7,1 millions de personnes déplacées. Les femmes représentent 51% de la population déplacées. Plus de 80% des déplacements sont dus aux conflits armés, selon les autorités congolaises.

Djiress BALOKI/Nord-Kivu/journaldesnations.net