A Bolou Kpémé dans la préfecture de Zio, à quelques kilomètres de la ville de Tsévié, se trouvent des femmes qui s’adonnent à l’activité de la poterie depuis plusieurs années. Cette activité constitue leur gagne-pain quotidien. Malheureusement, ces femmes ne disposent que des moyens archaïques pour fabriquer les pots. C’est un constat fait par l’artiste plasticien togolais Constantin Alihonou qui était à la recherche d’un milieu pout travailler l’argile. Après s’être installé dans le village pour son activité, il a décidé d’aider les femmes à travers un projet suite à un appel à candidature de l’ambassade d’Allemagne. Un projet qui a permis aux femmes potières de Bolou Kpémé de moderniser leur activité dans la poterie.
Nous sommes allés à la rencontre de l’initiateur du projet, l’artiste plasticien Constantin Alihonou. Il nous parle de la genèse du projet et de ses avantages pour les femmes.
JDN: Bonjour Mr Constantin Alihonou, comment êtes-vous arrivés à découvrir le village Bolou Kpémé ?
Constantin Alihonou : Bolou Kpémé est un coin que j’ai découvert il y a dix ou onze ans. J’étais à la recherche d’un coin pour travailler l’argile. Donc, un ami m’a indiqué ici et j’ai fait de ce coin désormais un atelier. Quand je venais travailler dans le temps même jusqu’aujourd’hui, j’ai découvert plusieurs femmes qu’on peut appeler des femmes battantes. Des femmes qui ont des enfants et qui n’ont pas de maris à coté pour subvenir aux besoins de la famille. Ces femmes se battent toutes seules en travaillant l’argile avec des moyens archaïques.
JDN: Est-ce qu’on peut dire que c’est ce constat qui a motivé l’initiative du projet ?
Constantin Alihonou : Le travail de l’argile est un travail difficile. Le processus est décrit depuis l’extraction de la matière brute jusqu’au tamis en passant la cuisson et la modélisation. C’est un travail à la chaine mais très difficile. J’ai observé ces femmes pendant plusieurs années et je me suis dit qu’il fallait les aider. J’ai alors décidé de proposer un projet. Dans un premier temps, j’ai discuté avec les membres de l’association culturelle dénommée kali dont je suis le responsable. Les membres ont apprécié le projet et nous avons fait plusieurs visites de terrain. Ces visites nous ont permis d’élaborer le projet que nous avons soumis suite à un appel à candidature de l’ambassade d’Allemagne. Le projet qui tournait autour de 1millions 300 milles FCFA a été sélectionné. L’ambassade d’Allemagne a dépêché deux émissaires sur le terrain pour toucher du doigt les réalités. Ces réalités ont séduit les émissaires qui ont pesé de leur poids pour que la cagnotte puisse être ramenée à un peu plus de 5 millions. Donc, c’est suite à ce financement de l’ambassade que ce projet a été réalisé. Nous tenons à remercier au passage ce partenaire qui a mis la main à la poche pour venir soutenir les femmes du milieu.
JDN: Combien de femmes ont été identifiées pour suivre la formation dans le cadre du projet ?
Constantin Alihonou : Au départ, le projet a identifié 15 femmes. Mais chemin faisant, deux ont démissionné. Elles estimaient que le projet devrait leur payer en plus de la formation. Finalement, nous avons travaillé avec 13 femmes qui sont très fières du projet. Elles constituent d’ailleurs les formatrices des autres femmes de la communauté qui décident de s’intéresser au travail de la poterie dans le village.
JDN: En quoi consiste le projet ?
Constantin Alihonou : Nous nous rendons compte que le processus que je viens de citer plus haut qui consiste en l’extraction de l’argile brute jusqu’au tamis en passant la modélisation et la cuisson est très difficile pour les femmes et le produit final est vendu à vil prix. Une quantité d’argile qui a servi à produire une grande jarre se vend entre 1500 et 2000 FCFA. La même quantité en production moderne peut occasionner 4 pots de fleurs, le tout à 20000 FCFA. L’objectif du projet, c’est d’arriver à former ces femmes afin qu’elles puissent réaliser des pots à fleurs modernes au détriment des jarres qui se faisaient avant et qui se vendaient très moins chères.
JDN: Quels sont les modules de cette formation à l’endroit de ces femmes ?
Constantin Alihonou : Nous avons alors cinq modules de formation : le leadership féminin, le dessin, l’alphabétisation, le système d’épargne et la décoration. Le module plus pertinent reste la formation sur le tour. Je précise en passant que le projet a pris en compte la construction de quatre fours et de quatre tours. Des tours sur lesquelles les femmes doivent travailler directement et un temps record. Les quatre fours sont disposés dans le village de façon à ce que les femmes puissent faire la cuisson de l’argile en toute indépendance. Je rappelle qu’avant, la cuisson se faisait avec les fagots de bois et des pailles qui sont difficiles à trouver. A titre d’exemple, pour faire une cuisson de 20 pièces, il faut payer au moins 5000 FCFA de fagot de bois. Ce qui revient cher pour les femmes. L’arrivée de ces fours facilite énormément le travail de ces femmes qui se réjouissent aujourd’hui du projet. Ce projet qui a favorisé la réduction de leur peine et apporté la qualité dans leur production.
JDN: Quels sont les modules qui ont le plus intéressé les femmes ?
Constantin Alihonou : les deux modules qui les ont le plus intéressé, c’est le dessin et la décoration. Je crois c’est normal puisqu’elles n’ont jamais été formées dans le dessin qui est très important dans la finalisation du produit. Ajouté à cela, la décoration. Les deux vont de paires. Les femmes se réjouissent aujourd’hui de ce travail qui les amuse et qui en même temps constitue leur gagne-pain. Les nouveaux designs apportés aux pots reflètent la création artistique de ces femmes.
Je peux dire aujourd’hui que le projet n’est pas encore à terme mais je constate que les pots réalisés dans le cadre de la formation trouvent déjà de la clientèle. La dernière fois un client est venu acheter plus de la moitié de ce qu’on a produit dans le cadre du projet.
JDN: L’objectif du projet est-il atteint ?
Constantin Alihonou : Pour moi, l’objectif du projet est atteint. Le 03 décembre passé, nous avons eu une visite du personnel de l’institut Goethe. Ils étaient 20 personnes au total. Ils sont venus constater les réalités du projet et ont encouragé les femmes pour leur adhésion complète et entière au projet. Ils ont aussi tout comme les autres visiteurs achetés beaucoup de choses avant de partir. Il faut dire que l’association Kali a l’ambition de créer plus tard un centre de formation sur la poterie dans le village. Elle dispose d’ailleurs d’un terrain qui va servir à la mise en œuvre de ce projet dans les années à venir. Les femmes formées seront donc désormais les nouvelles formatrices dans le milieu.
JDN: Est-ce qu’on peut dire aujourd’hui que les femmes formées sont de vraies potières ?
Constantin Alihonou : Ces femmes sont de vraies potières parce qu’elles étaient déjà dans la poterie même si c’était de façon archaïque. Aujourd’hui, il est tout à fait normal qu’elles se fassent appeler de vraies potières. Avec ce projet, elles arrivent facilement à réaliser des pots modernes. Je peux dire que cette formation constitue pour elles un renforcement de leur capacité dans le domaine de la poterie.
Propos recueillis par Francisco LAWSON