Seth. Dans l’Egypte prédynastique, ce nom désignait le dieu du tonnerre et de la foudre, mais aussi de la confusion. Le plus jeune candidat à la présidentielle, 36 ans, Seth Kikuni semble avoir hérité de cette divinité le pouvoir de la perturbation. Ovni politique, plus ou moins connu dans les milieux de l’entrepreneuriat, Seth fait trembler la toile depuis le vendredi 7 septembre dernier, après avoir lâché lors de la présentation de ce qu’il appelle «Plan d’urgence pour la République» -PURE.
«Nous vendrons la Radio-Télévision Nationale Congolaise -RTNC». Sur la toile, c’est le buzz. Les réactions; hostiles pour la plupart, pleuvent sur facebook, twitter, whatsapp, etc. stratégie de communication politique payante? Suicide politique? Un peu de deux. Grâce à ces quelques mots, Kikuni s’est fait connaitre de la population RD-Congolaise, particulièrement les jeunes citadins, souvent connectés à l’internet. Il s’est ainsi sorti de l’ombre où loge encore la majorité des candidats présidents.
Revers de la médaille. La petite phrase n’avantage pas l’image d’un candidat sérieux. Avec cette mauvaise pub, le fils de Jean Pierre Kikuni, ancien SG aux Mines, s’est tiré une grosse balle dans le pieds. Qu’il avance que «La RTNC est devenue une institution peu sensible aux besoins et problèmes de la société. Elle sert de machine de propagande du parti au pouvoir et gaspille pour rien l’argent du contribuable congolais» n’est pas mauvais étant donné qu’il pose un problème dénoncé par tous.
Mais le pire est la solution préconisée: «À la place de la RTNC, l’Etat va distribuer équitablement les recettes pour accompagner le développement des chaines congolaises pour participer à la promotion et la diffusion des contenus et de la culture congolaise sur toute l’étendue de la République».
Cela sous-entend une légèreté inquiétante du candidat président sur une question aussi importante. Sur les réseaux sociaux se plait à être dans la masse, oubliant la posture attendue de leader. «S’ils ont présenté Mobutu comme un dieu, s’ils présentent l’actuel président comme le messie, ils présenteront le prochain comme je ne sais qui. L’Etat doit jouer le rôle de contrôleur et régulateur. Laissez faire les privés dans les médias. On va vendre la RTNC dans les 100 premiers jours». Loin de réfléchir sur les moyens de rendre la chaine nationale et le CSAC indépendants des pouvoirs politiques, Seth Kikuni donne l’image de quelqu’un qui, croyant surfer sur la toile, dérive dangereusement.
Quelques forces et les faibles du PURE…
Malheureusement pour lui, ce débat autour de la RTNC le déprécie et occulte presque totalement son Plan d’urgence pour la République, qui du reste, n’a de pur que l’acronyme. Sur la Démocratisation de tous les processus politiques, les Mesures-clé pour les 6 premiers mois mettent particulièrement l’accent sur une démocratie participative, où le peuple participe quasi-directement à la gestion de la chose publique à partir du niveau local.
Seth Kikuni épouse un peu la démarche du budget participatif qui est, timidement, en phase expérimentale en RD-Congo à travers le projet COREF et la société civile. Aussi, faut-il mettre au rang des points positifs du PURE le souci de transparence, le respect des droits de l’homme, la reforme de l’administration publique, la féminisation du personnel judiciaire, etc.
Le hic avec le Plan d’urgence de Seth est qu’il apparait à plusieurs endroits comme un document fait à la hâte. Certaines idées et même concepts qu’il avance donne beaucoup à redire.
Par exemple au point 25 du PURE: «Nous mettrons en place une politique de retraite honorable pour les agents en âge de retraite et intégrerons dans les autres secteurs les fonctionnaires sans affectation». En ce qui concerne la retraite, le gouvernement RD-Congolais, grâce à l’appui financier et technique de la Banque mondiale, s’est doté de la Caisse national de sécurité des agents publiques -CNSAP.
Est-il besoin de créer ou de s’assurer le bon fonctionnement de ce mécanisme?
Au sujet de la Lutte contre la corruption, les mesures préconisées aux points 30 et 31 «Mettre en place un bureau pour assurer la coordination entre tous les organismes et institutions en matière de prévention, d’identification, d’enquête et de poursuites en cas de corruption…» et «Autoriser les organisations non gouvernementales actives à participer aux inspections de la lutte contre la corruption» ne sont pas forcément des moyens à créer puisqu’ils existent déjà dans une certaine mesure.
L’expérience avec Luzolo, dont l’action peine à aboutir ou parfois se butte au conflit de compétence avec avec le PGR, imposerait au futur président de bien y penser. Mettre en place des bureaux ne suffit pas pour combattre la corruption, particulièrement dans ce contexte RD-Congolais où le véritable problème c’est l’homme. Il y a risque d’avoir de bonnes lois, de bonnes structures, animées par des hommes corruptibles si pas corrompus.
Les 3 politiques prioritaires
Seth Kikuni prévoit de doter le pays, en 12 mois, d’un budget national de 19.440 Milliards de Francs congolais, soit USD 12 Milliards. Pour y arriver, trois politiques prioritaires: optimiser les rentrées des recettes fiscales; Investir dans l’Entrepreneuriat et dans les Petites et Moyennes Entreprises ; et amorcer le processus de la transition numérique. Il y souligne la pertinence dévaluer le cadre macro-économique et préparer un budget réaliste pour lannée 2019. Mais aussi, aux points 47 et 48, Seth Kikuni prévoit de: «réduire et soumettre à l’impôt les salaires des députés, des sénateurs, des gouverneurs des provinces, des DG des entreprises publiques et des ministres». Et de «réduire de 90 % le budget alloué à la Présidence de la République soit de 102.940 Milliards de Francs congolais -USD63.542.810,5- à 10.206 Milliards de Francs congolais -USD6.300.000-».
A côté de cela, Seth entend prévoir également une batterie de mesures pour lancer le processus de dé-dollarisation de l’économie pour une monnaie nationale forte: il s’agit notamment d’effectuer toutes les dépenses budgétaires en monnaie nationale; encourager la perception de toutes les recettes de l’Etat en monnaie nationale, encourager les transactions commerciales, financières et monétaires en Franc congolais. Question: Comment s’y prendrait-il vis-à-vis des partenaires auprès de qui la RD-Congo contracte des dettes en dollars US et quelle devrait payer tout aussi en dollars US, gardant à l’esprit que le dollars est un cauchemar pour les autres monnaies?
Il est important pour Seth Kikuni de peaufiner son programme et se vendre en candidat sérieux en appuyant son discours politique sur les réformes intéressantes contenues dans celui-ci.
HRM