Dans un édito publié, comme il en a la coutume, sur son mur Facebook lundi 05 novembre 2018, dont Journal des Nations s’est fait le plaisir de relayer, le professeur RD-congolais d’universités Sam Bokolombe Batuli dénonce tout haut, ce qu’il qualifie d' »hypocrisie politicienne » dans le processus électoral en cours en RDC. Dans cet article reflétant clairement sa position par rapport à la tenue des prochaines élections, ce député national de l’Opposition appelle toute la classe politique Congolaise à sortir de l’hypocrisie, car, estime-t-il, qu’il relève d’une impossibilité objective de tenir les prochains scrutins le 23 décembre 2018, étant donné que la complexité des défis politiques, financiers, sécuritaires et surtout logistiques, et que la CENI a besoin d’une rallonge de temps pour ce faire. Ci-dessus l’intégralité de son éditorial. Nous vous souhaitons une très bonne lecture!
Date du 23 décembre 2018. Mettre fin à l’hypocrisie
Il est temps pour notre classe politique, qui ne cesse de valider chaque jour sa légendaire réputation de médiocrité, de sortir de l’hypocrisie. Aujourd’hui, tant les acteurs de la Majorité, de l’Opposition que ceux de la Société civile savent qu’il relève d’une impossibilité objective de tenir les prochains scrutins le 23 décembre 2018, étant donné la complexité des défis politiques, financiers, sécuritaires et surtout logistiques, et que la CENI a besoin d’une rallonge de temps pour ce faire. Au-delà de tout ce qu’on peut penser et dire de Corneille Nangaa, notamment son impertinente réthorique officielle et sa partisanerie kabiliste, il l’avait sous-entendu à sa sortie de la dernière réunion avec Kabila et la MONUSCO.
Il serait dès lors dans l’intérêt général et plus responsable d’agir en hommes d’Etat. C’est-à-dire se résoudre de postposer raisonnablement ces échéances cruciales pour l’alternance démocratique à une date qui en permette d’aérer et de détendre le schéma critique, au lieu d’y aller par audace, arrogance, gêne, couardise ou naïveté, avec à la clé le luxe d’une issue chaotique certaine et irrémédiable que tout Congolais sensé, épris de paix et de démocratie redoute.
Plutôt que de s’en remettre aux politiciens qui jouent à se balancer la patate chaude par crainte d’une éventuelle imputabilité politique et morale d’un tel report, pourtant salvateur pour le pays, et surtout pour ne pas leur offrir l’opportunité d’une nouvelle transition avec ce qui va avec, la CENI doit prendre ses responsabilités en tant que structure technique compétente en charge des élections.
La fameuse communauté internationale tant désormais redoutée pour ses sanctions et qui serait aux aguets ne pourra que prendre acte d’une telle décision motivée par des difficultés factuelles, et prise après consultation de toutes les parties prenantes au processus. C’est l’unique façon de fixer l’opinion et de répondre à cette question devenue récurrente et anxiogène que tout le monde, sans exception, se pose : « Êtes-vous certain que ces élections se tiendront le 23 décembre 2018?»
Les snipers virtuels et autres illuminés n’auraient pas tort d’y voir une théorie « glissogénique ». Qu’à cela ne tienne, tant il est certain qu’ils ne peuvent en contredire l’objectivité et proposer une alternative raisonnable. En effet, celui qui est déjà mouillé sous la pluie ne devrait rien perdre à se jeter à l’eau. Ne sommes-nous pas déjà dans l’extra-time du dernier mandat constitutionnel de Kabila depuis deux ans ?
En revanche, sans envisager une énième transition, défiant la cristallisation astucieuse, démagogique et fétichiste sur la date du 23 décembre 2018, le pays gagnerait à se donner un bol d’air de deux ou trois mois pour organiser des élections que le peuple souhaite crédibles et inclusives, évidemment sans machines à voter ni enrôlés fictifs. Aux souverainistes opportunistes qui veulent profiter des eaux troubles avec des élections à la vaille que vaille, de se rappeler que la CENI avait à l’époque publié l’actuel calendrier, notamment la date devenue mythique du triple scrutin présidentiel-législatif national et provincial, sous la pression des États-Unis (Nikki Haley), sans trop croire à sa concrétisation.
L’intelligence de l’Uncle Sam consistait à ne pas déborder 2018 et obtenir de Kabila de renoncer à rempiler pour un troisième bail présidentiel inconstitutionnel. L’objectif est atteint. Ce dernier qui ne concourra pas au prochain scrutin a désigné son potentiel successeur en la personne d’Emmanuel Ramazani Shadary.
Cependant, pour le reste du processus, la date arrêtée devient trop juste par rapport à certaines diligences incompressibles du schéma critique. La CENI a atteint la limite de sa marge de manœuvres. On doit se le rendre à l’évidence. En effet, on ne peut réussir à tenir des élections, surtout des bonnes en décembre 2018. Et ça, il faut le déclarer au peuple. Encore qu’il importe de noter en passant que personne n’est prêt à affronter l’expression de suffrages du peuple à cette date.
Pour preuve, le cafouillage noté actuellement dans la composition de l’équipe de campagne du candidat de la Majorité. « Nous n’avons pas eu le temps de consulter certaines personnes faute de temps », dixit Kikaya bin Karubi. En témoigne également, toute la peine du monde qu’éprouvent les oppositions pour se désigner un candidat commun.
Un homme d’Etat n’est pas obligé de dire toute la vérité au peuple. Mais, quand il décide de lui parler sur un sujet, c’est pour ne pas lui mentir. La circonstance actuelle s’y prête. Aujourd’hui, il faut dire la vérité au peuple, quel qu’en soit le prix. Sortir de l’hypocrisie politicienne ambiante et dire désormais: vivement une nouvelle date pour des bonnes élections.
Au crédit de tout le monde, cette volonté apparente d’aller aux élections coûte que coûte, mais qui, hélas, bute à l’impossibilité d’y parvenir à la dead line du 23 décembre 2018. Comme pour dire que le mensonge a ses limites. Toutefois, ce ne sera la faute à personne, car l’initiative du mensonge aura été partagée par tout le monde sur le dos du peuple.
Professeur Sam Bokolombe Batuli