À six mois de la prochaine élection présidentielle au Nigeria, le président du Sénat, Bukola Saraki, ancien allié politique du chef de l’État Muhammadu Buhari, s’est lancé dans la course pour la magistrature suprême du pays.
Le président du Sénat nigérian, Bukola Saraki, est entré dans la course à la présidentielle de 2019, jeudi 30 août. Il rejoint ainsi d’autres candidats de poids, qui se dressent sur la route du président sortant Muhammadu Buhari, jadis allié politique.
« J’annonce mon intention de concourir à la position de président de la République fédérale du Nigeria et de participer aux élections générales de [février] 2019 sous la bannière du Parti populaire démocratique (PDP) », a-t-il indiqué, lors de cette annonce que le pays attendait depuis plusieurs semaines.
Ennemis politiques
Bukola Saraki, en tant que président du Sénat est le troisième homme politique le plus important du Nigeria. Après avoir fait défection du parti au pouvoir, le Congrès des progressistes (APC), pour rejoindre l’opposition à la fin du mois de juillet, cet ancien gouverneur avait laissé transparaître ses ambitions présidentielles.
Les barons de l’APC ont déjà fait savoir que le président sortant, Muhammadu Buhari, 75 ans, sera le candidat du parti à sa propre succession, malgré l’obligation d’organiser des primaires en amont du scrutin présidentiel.
Les deux leaders ont été des ennemis politiques pendant tout ce mandat, la présidence accusant le Sénat de bloquer de nombreux textes de loi. Bukola Saraki, qui a dû affronter une série d’ennuis avec la justice aussitôt après avoir accédé à la présidence du Sénat, n’a cessé de dénoncer une « chasse aux sorcières » contre les opposants du chef de l’État.
Bukola Saraki fut notamment accusé d’avoir menti sur sa déclaration de patrimoine, mise au jour par le scandale des Panama Papers, ou d’avoir payé des gangs armés dans son État d’origine, le Kwara.
« Primaires crédibles »
Mercredi, un autre candidat de poids a annoncé sa candidature à la primaire du PDP : Rabiu Kwankwaso, qui est aussi un transfuge de l’APC, ex-gouverneur de Kano et un ancien proche du chef de l’État. La région de Kano, mégapole musulmane de quelque 15 millions d’habitants, était un bastion de soutien très important pour le président actuel en 2015.
Ils rejoignent ainsi les principaux candidats de l’opposition, le gouverneur de l’État d’Ekiti (sud-ouest), Ayodele Fayose, ainsi que l’ancien vice-président Atiku Abubakar, qui avait claqué la porte de l’APC en décembre 2017. « Le plus grand défi maintenant pour le PDP, ce sera d’organiser des primaires libres, démocratiques et crédibles », pointe l’analyste politique Chris Ngwodo.
Le haut niveau politique des candidats (gouverneurs, anciens gouverneurs, ancien vice-président) peut jouer en la faveur de l’opposition, selon lui. « Ces primaires très compétitives vont captiver l’attention du public, tous les rebondissements politiques se tiendront au sein du PDP », qui fait son grand retour après des années de déstructuration à la suite de l’échec de son leader Goodluck Jonathan, en 2015 face à Muhammadu Buhari.
Une rentrée politique difficile
Quelques semaines après une lourde vague de défections au sein de son parti, l’actuel président âgé de 75 ans doit affronter une rentrée politique difficile.
En début de semaine, avocats et organismes de la société civile se sont indignés des propos qu’il a tenus lors la conférence annuelle de l’Association des membres du Barreau nigérian (NBA). Il a déclaré que la sécurité du pays passait avant le maintien de l’État de droit.
Son bilan sécuritaire est fortement critiqué, et le Nigeria, géant de 180 millions d’habitants, est en proie à de nombreux conflits, dont l’insurrection jihadiste de Boko Haram et le conflit pastoral entre agriculteurs et éleveurs, qui a fait plus de 1 500 morts depuis le début de l’année.
S’il partait favori de l’élection présidentielle en 2019 face à une opposition désorganisée et affaiblie par la lutte anticorruption, « ce scrutin sera moins facile pour lui que celui de 2015 », prédit Chris Ngwodo.
Avec AFP