Nord-Kivu : Émoi et désolation à la suite de la fusillade de l’artiste musicien Delcat Idengo par des éléments du M23 à Goma

Delcat Idengo, artiste musicien congolais tué à Goma

À Goma, Delphin Katembo, alias Delcat Idengo, un artiste musicien révolutionnaire, a été tué par balles le jeudi 13 février 2025 par des éléments identifiés comme appartenant au M23, une rébellion armée qui, fin janvier 2025, a assiégé la ville de Goma aux côtés des soldats rwandais.

Cette fusillade, dénoncée et condamnée dans le pays, s’ajoute à de nombreuses autres tragédies dans cette partie de la République Démocratique du Congo, illustrant la terreur et la désolation semées par les belligérants.

Delcat Idengo, natif de la région de Beni, une autre zone secouée par des massacres de civils attribués aux terroristes de l’ADF, affiliés à l’État islamique, était connu pour ses chansons révolutionnaires. Il a été criblé de balles par des hommes armés assimilés au M23.

Les informations autour de son assassinat sont diverses. Certains estiment que l’artiste a été tué en raison de sa chanson « Bunduki Za Kwetu », devenue virale sur les réseaux sociaux, dans laquelle Idengo, âgé de 30 ans, critique ouvertement le M23 et l’armée rwandaise qui contrôlent Goma et plusieurs autres zones du Nord-Kivu. D’autres informations révèlent que le jeune musicien, orphelin de père et de mère massacrés dans la région de Beni il y a plusieurs années par l’ADF, avait été croisé par ses bourreaux au nord de Goma, où il s’était réfugié après avoir quitté la prison centrale de « Munzenze » lors de l’entrée du M23 et de ses alliés.

Un parcours à haut risque pour un jeune au « sans froid »

Dénonçant « la mauvaise gouvernance, les massacres de civils et le détournement des deniers publics », Idengo a marqué sa carrière musicale par son objectif de sensibiliser les décideurs afin d’améliorer le quotidien des citoyens ordinaires. Cette lutte pacifique, mais « trop critique et libre », n’était pas du goût des autorités à tous les niveaux, en particulier celles de la ville de Beni, où l’artiste a longtemps œuvré.

« Idengo a été marqué par cette lutte pour la paix et la liberté, au point que les critiques portées dans ses différentes chansons lui ont attiré des ennuis auprès des autorités, tant nationales que provinciales et même locales, ainsi que de certains députés, car il critiquait la gestion calamiteuse du pays », a expliqué le journaliste Siku Provinces Patrick, basé à Beni.

Au cours de son parcours à haut risque, Idengo s’est forgé une réputation de porte-parole des sans voix en raison de son franc-parler.

« Il n’avait pas peur de citer le mal par son nom. Il était d’un courage exceptionnel pour interpeller les autorités, la Monusco face à l’insécurité persistante. Nous avons participé avec lui à des manifestations contre les casques bleus. Ensuite, il a composé une chanson pour dénoncer leur passivité », a témoigné Elie, militant de la Lucha.

Depuis lors, son audace a été à l’origine de multiples arrestations et détentions en prison à Beni, puis à Goma, où il était accusé et condamné pour outrage à l’égard du chef de l’État, Félix Tshisekedi, en raison de ses propos durs dans l’une de ses chansons. Après plusieurs mois de détention, en décembre 2023, le président Tshisekedi s’est impliqué pour sa libération pendant la campagne électorale, en réponse aux doléances de ses fans à Beni et Butembo.

Mi-2024, Idengo a de nouveau été transféré à la prison centrale de Goma avec d’autres civils influents de Beni et de Butembo, accusés soit de collaborer avec les rebelles de l’ADF, soit avec le M23, voire d’être trop critiques vis-à-vis de Kinshasa. C’est durant cette période qu’Idengo a profité de la prise de Goma par l’AFC-M23 pour s’évader de la principale maison carcérale de la province, confrontée à une pénurie de médicaments, de nourriture et à un surpeuplement générant de nombreuses pathologies.

Réactions du gouvernement congolais

Dans un message de condoléances, le gouvernement congolais, à travers son porte-parole, a exprimé sa consternation face à cet acte abominable, attribué au Rwanda et à ses complices. « Ni l’horreur, ni la terreur, encore moins le recours intempestif aux armes contre les civils innocents ne pourront éteindre la flamme de la résistance à Goma et dans tout le pays », a déclaré Patrick Muyaya, ajoutant que « Idengo s’ajoute à la liste des martyrs ».

Djiress BALOKI/ Nord-Kivu

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