Nord-Kivu : les pharmaciens alertent sur le danger des médicaments entre de mauvaises mains

À l’occasion de la Journée mondiale du pharmacien, célébrée chaque 25 septembre, les professionnels de la pharmacie du Nord-Kivu ont tiré la sonnette d’alarme. Plus qu’une célébration, cette journée a servi de cadre à une véritable alerte de santé publique.

« Les médicaments, c’est exclusivement l’affaire des pharmaciens », rappelle le Dr Festo Sindani, pharmacien expert et professeur de santé. « Quelqu’un qui n’a pas fait d’études et qui manipule les médicaments est un charlatan. »

À Beni et Butembo, plusieurs responsables dénoncent la prolifération d’acteurs non qualifiés qui vendent et délivrent des produits pharmaceutiques sans formation, depuis de simples officines de fortune jusqu’aux points de vente informels. Pour le Dr Sindani, le danger est réel :

« Les médicaments, c’est un poison. Pris en désordre, ils peuvent provoquer de graves complications, voire entraîner la mort. »

L’Ordre des pharmaciens de Beni, par la voix de son président, Madudu Kasereka, a choisi une réponse à la fois symbolique et pratique. Sous le thème « Pensée santé, pensée pharmaciens », les pharmaciens se sont réunis le 25 septembre pour réfléchir sur leur rôle et apporter une aide concrète aux plus vulnérables.

Ils se sont rendus à l’hôpital général de référence de Beni afin de distribuer des kits aux patients démunis et aux détenus, illustrant une profession engagée au-delà de la simple dispensation.

Mais cette action se heurte à un contexte sécuritaire difficile qui fragilise les chaînes d’approvisionnement.

« Les routes sont bloquées, les pharmacies ne savent pas comment s’approvisionner », déplore Madudu Kasereka. Résultat : ruptures de stocks, flambée des prix et prolifération de la contrebande ainsi que de vendeurs non qualifiés.

Du côté des laboratoires et distributeurs, l’avertissement est tout aussi ferme. Muhindo Tsongo, délégué médical chez Pharmakina, insiste :

« Le pharmacien ne se limite pas à vendre un produit ; il accompagne avec des conseils. Donner une molécule à quelqu’un qui n’en a pas besoin peut provoquer des allergies, des complications, voire des interruptions de grossesse dans le cas de substances sensibles comme le misoprostol. »

Les appels à la régulation et à la répression se multiplient : contrôle renforcé des officines, lutte contre la contrebande, campagnes de sensibilisation pour inciter les patients à vérifier la qualification du personnel. Les pharmaciens locaux appellent également à une meilleure coordination avec les autorités municipales et la police pour sécuriser les circuits d’approvisionnement et protéger les points de vente agréés.

Aujourd’hui, la profession assume à la fois le rôle de soignant et celui de gardien : formation, dispensation sécurisée, gestion des stocks hospitaliers et, dans certains cas, production.

« Nous formons, nous fabriquons, nous dispensons ; mais sans sécurité et sans application des normes, tout cela reste fragile », souligne un pharmacien local.

Au Nord-Kivu, la Journée mondiale du pharmacien a donc été moins une fête qu’un appel : protéger les patients implique d’abord de protéger la profession, par la formation, la loi et la sécurité.

Gloire Tsongo / Beni

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