De violents affrontements entre manifestants et forces de l’ordre ont eu lieu, le 9 juin 2019, à Port-au-Prince, à la fin de la manifestation réclamant le départ du président haïtien, Chandan Khanna. Ces échauffourées entre les manifestants et les forces de l’ordre ont fait au moins deux morts, dimanche, à Port-au-Prince, où plusieurs milliers d’Haïtiens ont défilé pour réclamer le départ du président.
La manifestation qui a réuni plusieurs milliers d’Haïtiens, dimanche à Port-au-Prince, réclamant la démission du président Jovenel Moïse, accusé d’être au cœur d’un « stratagème de détournements de fonds » par la Cour supérieure des comptes, a fait au moins deux morts et cinq blessés.
Des violentes échauffourées ont opposé en fin de parcours des groupes de jeunes hommes aux forces de l’ordre à proximité du palais présidentiel et du siège départemental de la police. Malgré une importante présence policière et le déploiement de véhicules blindés de l’ONU, deux bâtiments à proximité ont été ravagés par un incendie.
« On ne peut plus être pacifiques. Regardez : ce pouvoir nous tue à chaque fois qu’on manifeste. Et chaque jour, on n’a pas assez d’argent pour manger, donc on meurt tous à petit feu. Ce président n’a plus la moralité pour nous gouverner », confie avec rage Bernard, un manifestant de 56 ans observant un groupe de jeunes piller un petit commerce.
>> À voir sur France 24 : « Haïti : ‘Il y a une crise majeure dont on ne voit pas encore l’issue’ »
Alors que manifestants et policiers s’affrontaient à coups de pierre et de grenades lacrymogènes, plusieurs rafales de tirs à balles réelles ont résonné au centre-ville.
Avant ces incidents, le cortège de plusieurs milliers de personnes, membres d’organisations de la société civile et de partis d’opposition, avait défilé dans le calme, réclamant justice.
Le scandale Petrocaribe
Les juges de la Cour des comptes ont publié la semaine dernière un rapport de plus de 600 pages sur l’utilisation du fonds Petrocaribe, un programme de développement parrainé par le Venezuela, qui se révèle être une litanie d’exemples de gestion calamiteuse et de corruption.
Parmi les centaines de projets épinglés, les magistrats ont découvert qu’en 2014, pour le même chantier de réhabilitation de route, l’État a signé deux contrats avec deux entreprises aux noms distincts, Agritrans et Betexs, mais qui partagent notamment le même matricule fiscal et le même personnel technique.
Avant son arrivée au pouvoir en 2017, Jovenel Moïse était à la tête de l’entreprise Agritrans, laquelle a reçu plus de 33 millions de gourdes (plus de 700 000 dollars américains, au taux de l’époque) pour ce projet routier, alors que son activité consistait à de la production bananière.
« Ces gens-là n’ont pas fait beaucoup d’effort pour dissimuler quand ils détournaient l’argent. C’est pour ça que le président doit démissionner : pour que l’on puisse finalement couper toute la tête de ce système de mafia qui se protège pour ne pas aller en prison et aller vers le procès Petrocaribe », a affirmé dimanche avec espoir Velina Charlier, « Petrochallengeuse » de la première heure.
Un pays sans gouvernement depuis trois mois
Toujours perçu comme source de gaspillage et de corruption, le fonds Petrocaribe a déjà donné lieu, en 2016 et 2017, à deux enquêtes sénatoriales. Depuis l’été 2018, le mouvement citoyen « Petrocaribe Challenge » a multiplié les manifestations à travers le pays, poussant la Cour des comptes à lancer son contrôle pour déterminer comment les plus de 1,6 milliard de dollars américains ont été dépensés par les quatre administrations successives.
L’appel à un assainissement des institutions nationales est partagé par le secteur catholique. Ses évêques ont déclaré samedi vouloir voir « à tous les échelons des pouvoirs et de la fonction publique des femmes et des hommes nouveaux par leur mentalité, leur conscience professionnelle et leur compétence ».
En février, Haïti a connu une semaine de violentes manifestations contre le pouvoir au cours desquelles au moins sept personnes ont été tuées.
Ces émeutes ont entraîné mi-mars la chute du gouvernement, mais depuis le processus politique pour installer un nouveau cabinet est bloqué par le Parlement. Sans ministres en fonction, sans encore de budget voté pour l’année fiscale qui a débuté en octobre, Haïti est également menacée par une crise constitutionnelle, car la tenue d’élections législatives à l’automne est incertaine.
Cette fragilité institutionnelle aggrave la crise économique à laquelle le pays fait face. Avec une inflation dépassant les 17 %, couplée à une forte dévaluation de la monnaie nationale, les besoins des familles les plus vulnérables s’amplifient.
Avec AP et AFP