Patience Mulongo Kabambi, ce jeune congolais débout avant la lettre, est de cette vague des jeunes engagés, sans fanatisme inconsidéré mais avec jugeotte, dans le combat pour la reconstruction d’une nation digne de ses dimensions au coeur de l’Afrique, et revoltés du fait que ce pays ait été transformé depuis des décennies en mangeoire.
Dans une RD-Congo où la tolérance reste un cap à franchir, ce petit-fils d’ «évolué» et fils de l’ambassadeur Freddy Mulongo -mort il y a 3 ans- milite, sur terrain, au sein du mouvement «Les Congolais débouts» de Sindika Dokolo, dans lequel il assume les fonctions de Vice-coordonnateur national en charge de l’Administration et des Finances. Assis derrière un bureau dans une parcelle bercée par la sérénité des collines de Ngaliema, Patience Mulongo, le regard et la voix remplis d’assurance, explique au cours d’une interview les ambitions de son mouvement: «Nous voulons remettre les Congolais débout parce qu’ils sont à genoux, le pays est à genoux; à genoux par le non respect des libertés des citoyens, à genoux par l’injustice, à genoux par toute une gestion catastrophique. Nous notre idéal c’est de rendre ce pays juste, où il fait bon vivre, où l’on respecte les droits de chacun, où l’avenir de la génération future est assuré».
Avec une éducation familiale chrétienne, stricte, imbibée de poésie, politique, diplomatie,… et d’engagement pour la patrie, Patience Mulongo semble être, comme ses ascendants, né sous une étoile de don de soi pour la concrétisation d’un rêve national. Ce qui, à en juger ces dires, l’a prédestiné à répondre positivement à l’appel de Dokolo qui se résume en une phrase: «Telema pona bomoto na yo», entendez: lève-toi pour ta dignité. Deja, remarque-t-on, le caractère simple, pertinent et, si l’on veut, attractif de ce slogan transparait aussi bien dans les propos de Mulongo que de l’initiateur des Congolais débouts, Sindika Dokolo. Et il se résume en une chose : transformer l’homme interieur. Interview.
Vous parlez d’un pays à genoux, vous avez cité un chapelet des raisons, mais ne pensez-vous pas que ce pays est à genoux parce qu’il a été transformé en mangeoire par vous qui êtes dans l’action politique?
Evidemment, il y a un grand travail à faire au niveau de l’acteur ou de l’homme congolais. C’est l’une des raisons d’être des Congolais débouts.
Nous sommes là pour conscientiser. En ce moment où je vous parle, nous savons que la frontière entre le faisable et l’infaisable n’existe plus. La moralité du citoyen congolais, du sommet juste qu’au citoyen lambda, n’existe plus. Le travail à faire c’est que nous devons arriver à transformer l’homme intérieur.
Notre slogan appelle à la dignité. La dignité commence par le fait de se dire: je suis un citoyen, un être humain, j’ai des droits, j’ai des devoirs, je ne peux pas tricher, je ne peux pas voler,… Tout cela passe par la formation de l’homme intérieur.
Nous avons au sein des Congolais débouts des formations pour les cadres dans ce sens là parce que c’est un message et c’est un grand travail à faire, mais qui n’est pas impossible, et nous le faisons. L’exemple c’est que nous avons de plus en plus des citoyens conscients de la chose.
Selon les chiffres avancés, Congolais débouts compte 1, 5 millions des membres.
Nous sommes à la veille des élections, votre mouvement a-t-il des ambitions électorales?
Je pense que nous devons faire la part des choses parce que nous sommes arriver dans un point où, dans notre pays, quand on revendique quelque chose, quand on se lève pour voir clair dans la gestion du pays, on pense directement qu’on a des ambitions électorales. En réalité, Congolais débout ne vient pas chercher des postes, nous sommes des citoyens conscients que notre pays va mal et nous voulons que les choses aillent bien. Au-delà, c’est un droit reconnu à chacun de se lever, de défendre son pays, de dire écoutez: ça ce n’est pas bon, ça c’est bon. Et ce droit là n’est pas reservé qu’à ceux qui ont des ambitions. Nous sommes des citoyens, l’objectif c’est de voir notre pays changer; être un pays grand comme il est appelé à l’être.
Concretement, comment vous vous y prenez pour arriver à faire participer les gens dans la gestion de la res publica pendant ces deux années d’action?
Nous avons des formations, nous réveillons la conscience, nous nous levons quand quelque chose ne va pas, on a le courage de dire «NON» et nous donnons des propositions. Nous voulons que les choses se passent bien. Nous avons participé à plusieurs marches en collaboration avec le Comité laïc de coordination, à l’appel des évêques. Je vais vous rappeler que les Congolais débouts est venu de l’appel des évêques qui ont dit qu’on doit se prendre en charge. C’est là où l’initiateur des Congolais débouts, Monsieur Sindika Dokolo, qui est un congolais débout comme tout autre, est venu. Chaque fois qu’il faut déplorer ou reclamer quelque chose nous sommes là sur terrain.
Parlant des marches, on voit des mouvements citoyens marcher pour l’application de l’accord, les mesures de décrisparion, etc. Mais on ne vous voit pas sur terrain quand il s’agit des problèmes qui touchent directent les Congolais comme la vie chère, les grèves des enseignants ou des medecins,…
Ces problèmes-là ne vous interessent-ils pas?
Tout problème qui met les Congolais à genoux nous avons le devoir d’être des Congolais débouts. C’est ce qu’on est en train de faire avec d’autres compatriotes.
C’est vrai aujourd’hui nous nous battons pour l’alternance, pour le respect de la Constitution, mais nous sommes en train d’inculquer aux gens certains principes. Nous disons au gens que ce n’est pas normal qu’il y ait, par exemple, la vie chère. C’est un processus. Et nous nous battons. Nous sommes en train d’inculquer aux congolais que nous devons reclamer chaque fois que nos droits sont bafoués. Nous sommes dans cette logique là et nous le faisons.
Vous paraissez très convaincu. Qu’est-ce qui vous à pousser à embarquer dans cette lutte aux côtés de Sindika Dokolo?
Cela me vient de mon éducation. On m’a appris à être juste, à être droit, à respecter les autres, à ne pas être égoïste mais à partager. Alors je me rend compte qu’on est dans un pays où il y a une classe qui a pratiquement pris toutes les richesses en otage. Il y a des injustices.
Je vois la misère chez nos parents, chez nos amis, partout. Je regarde les injustice qui se font à l’Est, il y a des gens égorgés au Kasaï, je regarde ici à Kinshasa: vous avez des jeunes qui finissent les études mais qui ne peuvent pas travailler… Toute cette situation m’a amener à dire: ce n’est pas normal, je dois me lever. Ce n’est pas normal que je travail je sois sous-payé, ce n’est pas normal que je n’arrive pas assurer l’instruction de mes enfants, ce n’est pas normal que je nn’arrive pas à me faire soigner. Tout cela a provoquer un besoin de justice. Ce pays est grand, est beau, est riche; nous devons tous profiter de ses potentialités et de ses richesses. Voilà, à l’appel de Monsieur Sindika Dokolo j’ai vu que nous avons le même combat.
Machine à voter, retrait de plus de 16% d’enrôlés qui posent problèmes, … autant des question qui divisent. Quelle est votre position par rapport aux élections à venir?
Il ne faut pas aller aux élections pour y aller. Les élections sont censées être un processus qui amène la paix, la sécurité. Il ne faudrait pas aller aux élections pour qu’il y ait un autre chaos. Tout ce que vous relever dans votre question dénote qu’il y a un couac. Il faudra que tout ce qui pose problème dans le fichier soit nétoyé. La machine à voter, moi je l’appellerai machine à voler, c’est encore quelque chose. Nous avons eu deux élections sans cette machine. Mais quand la Corée décrie cette machine, quand les autres décrient cette machine, je crois qu’il ne faudrait pas l’utiliser. Nous n’allons pas faire des élections pour qu’il y ait contestation après.
Votre vision du Congo dans cinq ans, dans l’avenir?
Notre vision du congo dans 5 ans, dans dix ans, c’est d’abord un Congo où l’alternance sera acquise, c’est un Congo où il n’y aaura pas de débat pour savoir qui va rester, qui va partir. C’est un Congo où on va se focaliser sur le développement, c’est un Congo où les enjeux seront le développement, la pacification, l’émergence,… C’est pour ça que nous nous battons. Nous devons dépasser le stade où le pouvoir est personnifié, où tout doit tourner autour d’une personne. Nous arrivons dans un stade où nous avons un Congo avec une vision. Un pays qui joue son rôle dans la sous-région et en Afrique.
Vous êtes fils de l’ambassadeur Freddy Mulongo, un homme qui a marqué l’histoire de la RD-Congo dans divers domaines. N’est-ce pas un fardeau que de porter ce nom?
Je ne dirai pas que c’est un fardeau, mais c’est une responsabilité, un défi. Un défi parce que mon père c’est quelqu’un qui a excellé dans plusieurs domaines, au niveau de la politique c’est un homme qu’on ne peut pas ignorer. Donc, nous avons le devoir de perpetuer ce qu’il a fait et d’aller au-delà. Il nous disait : «mon père était un évolué, et moi j’ai fait plus que mon père, je suis arrivé au niveau où je suis. Il est de votre devoir d’amener cela un peu plus loin». Porter ce nom c’est continuer à se battre pour cet idéal qu’il nous a transmis ; c’est-à-dire l’amour du Congo, l’unité, le développement du Congo. Il nous a aussi appris qu’il faut craindre et respecter Dieu mais il ne faut pas respecter l’homme et non le craindre. Cependant nous sommes dans un système où on nous oblige à craindre les hommes. Alors de par cet héritage je retiens ce qu’il m’a dit et je me bat pour que son nom rayonne et qu’il soit fier là où il est.
Par Hugo Robert MABIALA