L’objectif d’éliminer le paludisme en Afrique d’ici 2030 est aujourd’hui gravement compromis. Un rapport récent de l’Alliance des Dirigeants Africains contre le Paludisme (ALMA), en collaboration avec l’OMS, alerte sur l’impact croissant du changement climatique, conjugué à la croissance démographique et au sous-financement des programmes de lutte.
Selon un modèle développé par le Boston Consulting Group et le Malaria Atlas Project, lecontinent pourrait enregistrer jusqu’à 554 000 décès supplémentaires liés au paludisme entre 2030 et 2049, en raison de l’augmentation des événements météorologiques extrêmes. Ces conditions aggravent les risques, notamment pour les enfants de moins de cinq ans, déjà les plus exposés.
« Les communautés déplacées par les catastrophes climatiques manquent souvent de moustiquaires, de traitements ou d’accès au diagnostic, ce qui favorise une recrudescence rapide de la maladie », explique Dr Patric Epopa, chercheur à Target Malaria Burkina Faso.
Le rapport souligne que malgré les efforts déployés, 95 % des cas mondiaux et 97 % des décès liés au paludisme en 2023 ont été enregistrés en Afrique, soit près de 580 000 morts, en majorité des jeunes enfants.
Des outils actuels sous pression, une innovation nécessaire
Les méthodes classiques moustiquaires imprégnées (MII) et traitements à base d’artémisinine (ACT) montrent leurs limites, confrontées à la résistance des moustiques et aux changements environnementaux.
Dans ce contexte, des solutions innovantes sont explorées. Le projet Target Malaria mise sur la technologie de l’impulsion génétique, une forme de modification génétique visant à réduire la population de moustiques femelles Anophèles, vecteurs du paludisme.
« L’impulsion génétique n’est pas une solution miracle, mais un outil prometteur pour freiner la transmission », explique le Dr Epopa. Intégrée aux stratégies nationales, cette technologie pourrait être particulièrement efficace en Afrique de l’Ouest.
Pour éviter un effondrement des progrès réalisés, le rapport appelle à une action urgente, coordonnée et durable. Cela implique d’investir dans des innovations locales, mais aussi de lier la lutte contre le paludisme à des politiques plus larges : santé primaire, résilience climatique, équité de genre.
« Sans action audacieuse dès maintenant, nous risquons de manquer à nouveau l’objectif d’une Afrique libérée du paludisme », prévient Dr Epopa.
Christiane EKAMBO