Dans la province du Nord-Kivu, la zone de santé de Katwa fait face à une malnutrition infantile chronique qui continue de frapper en silence des enfants âgés de 1 à 5 ans, et parfois au-delà. Entre janvier et août 2025, 578 cas ont été pris en charge dans les unités nutritionnelles thérapeutiques ambulatoires (UNTA).
Parmi eux, 113 ont dû être hospitalisés pour stabilisation, révèle le dernier rapport présenté mardi 23 septembre par Mihengu Octave, nutritionniste-diététicien dans cette zone sanitaire.
Au moins 20 aires de santé ont signalé des cas durant cette période. Plusieurs facteurs expliquent la persistance de la malnutrition chronique et aiguë dans cette partie densément peuplée de Butembo. Le non-respect de l’allaitement maternel exclusif durant les six premiers mois figure parmi les causes majeures.
« Certaines familles donnent aux nourrissons des aliments avant l’âge requis, ce qui fragilise leur développement. De plus, la bouillie enrichie, étape essentielle pour les enfants de 6 à 23 mois avant le passage au repas familial, est souvent négligée », explique Mihengu Octave.
À ces pratiques s’ajoutent les difficultés économiques. Dans de nombreux ménages, la pauvreté limite l’accès à une alimentation variée et suffisante, aggravant ainsi la fragilité des tout-petits. « Pour plusieurs familles, il est très difficile de varier les repas. Dans certains foyers, on consomme du sombé et du foufou de manioc pendant plusieurs semaines. Or ce repas n’apporte pas les vitamines nécessaires à la croissance des enfants », souligne Evariste Kambale Mutsunga, agent de santé publique à la Division provinciale de la Santé, antenne de Butembo.
Témoignages des familles et relais communautaires
À Katwa, la réalité se vit au quotidien. « J’avais commencé à donner du manioc à mon bébé de trois mois parce que je pensais que mon lait n’était pas suffisant. Mais à la CPS, on m’a expliqué que c’était dangereux. Depuis, je pratique uniquement l’allaitement et j’ai vu mon enfant reprendre du poids », raconte Marie, une maman rencontrée à la consultation préscolaire de l’aire de santé de Mitoya.
Les relais communautaires, en première ligne dans la sensibilisation, multiplient les séances d’éducation nutritionnelle. « Nous insistons auprès des mamans sur l’importance de l’allaitement exclusif et de la fréquentation régulière de la CPS. C’est là que l’enfant est suivi, vacciné et conseillé », explique Joséphine, relais communautaire de Katwa.
La CPS, un pilier de prévention
La Consultation préscolaire (CPS) est un outil essentiel dans la lutte contre la malnutrition. Elle permet de détecter précocement les signes de sous-nutrition, de compléter les vaccinations et de renforcer l’éducation des parents.
« Quand les mamans respectent la CPS, les enfants sont mieux suivis et les cas graves diminuent. Mais nous devons encore combler des lacunes au regard des cas qui continuent d’être signalés dans la communauté », insiste Mihengu Octave, appelant à renforcer ces services dans toutes les aires de santé.
Pour améliorer la sécurité alimentaire, la zone de santé de Katwa encourage également la création de petits jardins potagers afin de diversifier les repas et de garantir un minimum de produits nutritifs à domicile. Une initiative saluée par l’ingénieur Jean-Pierre Kasma, pépiniériste engagé dans la lutte contre la malnutrition.
« J’ai lancé mes pépinières après qu’un cas de malnutrition a été détecté dans ma propre famille. Aujourd’hui, je propose des plantules de choux, de poivrons et d’autres légumes pour contribuer à la riposte », confie-t-il.
Un combat collectif à poursuivre
Malgré les efforts déployés, la malnutrition infantile demeure un fléau qui menace l’avenir de centaines d’enfants à Katwa. Elle met en évidence l’urgence d’une mobilisation collective impliquant parents, relais communautaires, agents de santé et autorités locales. Dans ce contexte, l’instabilité sécuritaire et l’inaccessibilité de certaines communautés aux soins de santé aggravent encore la situation, contribuant à la hausse de la mortalité infantile et maternelle.
Djiress BALOKI/ Nord-Kivu