Au moment où les élections prévues en 2023 s’approchent, le sort du président Félix-Antoine Tshisekedi reste en filigrane, depuis qu’il a annoncé sa candidature pour 2023 devant la presse.
Les agitations autour de la désignation du Président de la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) n’a d’autres raisons que l’intention des uns et des autres de s’assurer le contrôle de la CENI. Mais, au-delà de la configuration de la CENI, l’élément déterminant de l’avenir politique de Félix Tshisekedi reste le bilan du mandat en cours. Ce bilan peut être évalué sous trois axes : politique, socioéconomique et sécuritaire.
SUR LE PLAN POLITIQUE.
Félix aura un bilan facile à défendre : réforme de la justice ; avènement de l’Union sacrée ; revalorisation de l’Inspection Générale des Finances (IGF) ; arrestation ou suspension des gestionnaires accusés de malversation, notamment Vital Kamerhe, son Directeur de cabinet ; réforme de la CENI et l’organisation des élections voulues dans les délais, etc..
Félix Tshisekedi pourrait brandir le déboulonnage du système Kabila grâce à l’avènement de l’Union sacré et la démystification des caciques du pouvoir dont certains ont pris le chemin de l’exil. Même si la gestion politique de l’Union sacrée semble poser quelques problèmes en interne, la déception que les Congolais ont cumulée du régime Kabila donne du crédit à l’Union sacrée, quelles que soient les modalités de sa mise en place.
Félix Tshisekedi qui a commencé très faible avec la coalition FCC-CACH, a surpris plus d’un analyste politique au regard de l’emprise que cet accord avait sur lui. Mais, c’était sans compter sur le fait que Félix, c’est le fils de Etienne Tshisekedi. Si l’homme n’a pas occupé des hautes fonctions politiques avant d’arriver au sommet de l’État, il a été néanmoins formé sur les tas. Il était à la meilleure école politique du pays dont le siège était à domicile. Ayant vécu toutes les stratégies d’isolement dont son père était l’objet et la manière dont Mobutu a dribblé l’opposition pendant toutes ces années, Félix Tshisekedi était témoin des négociations politiques au plan local et international qui ont permis à l’Udps de tenir pendant plus de trente ans. Aucune faculté ne pouvait faire mieux en termes de formation.
C’est à tort que beaucoup l’ont minimisé pour son inexpérience en politique. Félix Tshisekedi ne fait qu’appliquer aux Kabilistes ce que Mobutu et les Kabila ont fait vivre à l’opposition.
SUR LE PLAN SOCIOÉCONOMIQUE,
le bilan sera plutôt difficile à défendre, d’autant qu’il est mitigé. Il y a, certes, beaucoup de bonne volonté, mais la bonne foi ne suffit pas. Les Congolais attendent des résultats concrets et leur impact sur le vécu quotidien. Sinon, le discours restera politique. Même les efforts de l’IGF à traquer les mauvais gestionnaires resteront une action politique si elles ne produisent pas d’impact économique et social. Il faudra multiplier et consolider des mesures comme la gratuité de l’enseignement de base, des billets d’avion sur les lignes domestiques, et des vivres sur le marché. Choses qu’il n’est pas facile de consolider du fait que l’économie congolaise est toujours sous contrôle du clan Kabila et de leurs amis étrangers.
SUR LE PLAN SÉCURITAIRE, le bilan parait encore plus difficile à négocier. Il s’agit de ramener la paix dans l’Est où l’insécurité règne depuis plus d’un quart de siècle, selon sa promesse électorale. L’état de siège décrété dans les provinces de l’Est en proie à l’insécurité est certes l’une des décisions courageuses que Félix Tshisekedi a prises dans la recherche des solutions aux problèmes de l’Est du Congo, même si les résultats se font attendre.
La présence des États Unis d’Amérique dans les parcs de l’Est du Congo est diversement interprétée. Alors que les uns la trouvent encourageante en termes d’échanges d’informations avec les Fardc, les autres soupçonnent un agenda caché, car cette présence coïncide avec les vœux exprimés par l’Ouganda d’accueillir des réfugiés afghans sur son sol. Hier, c’était le Rwanda qui se disait prêt à accueillir les clandestins africains malmenés en Lybie sur son petit territoire déjà exigu pour sa propre population. Ces pays sous-traitants des firmes occidentales dans l’exploitation du Congo et qui n’ont déjà pas assez d’espace pour eux-mêmes penseraient-ils déverser le trop plein dans l’Est du Congo ?
Au-delà de tout, Félix Tshisekedi doit tenir compte de l’opinion de la population de l’Est dans la recherche des solutions à ce conflit qui présente plusieurs facettes. Le fait d’imposer Tommy Tambwe dont la désignation est contestée par la plupart des communautés de l’Est comme coordonnateur du programme DDRCS n’est pas de nature à faciliter les choses. Ces dernières lui reprochent son passé de rebelle et surtout son accointance avec le Rwanda impliqué dans l’insécurité que connait la partie Est du pays, au risque de déverser encore, comme en 2003, des milliers des soldats et officiers étrangers dans l’armée congolaise.
Toutefois, alors que le processus du retrait des troupes de la Monusco est en discussion, l’Est de la RDC n’a jamais été si proche de la paix depuis 1994. Tout en sachant que celui qui gagne les élections dans l’Est, gagne les élections en Rdc, il faudra bien négocier la paix en faveur de cette population pour que cela ne paraisse pas comme une énième trahison. Ce qui pourrait avoir un impact direct sur l’issue des prochaines élections. La situation serait encore plus compliquée si, malgré tous les efforts consentis, la paix ne revenait toujours pas dans l’Est avant la fin du mandat.
L’avenir politique de Félix Tshisekedi se joue véritablement dans cette guerre où il s’est engagé. Ou il la gagne et il devient un héros, ou il ne la gagne pas et cela annule tout le bilan.