Maître Tshiswaka Masoka Hubert, Avocat et Défenseur des droits humains a adressé jeudi 09 juin 2022, une lettre ouverte à Sa Majesté Philippe de Belgique, Roi des Belges, en séjour à Lubumbashi. Maître Tshiswaka Masoka Hubert est également le Directeur général de l’Institut de Recherche des Droits humains (IRDH) à Lubumbashi. Voici l’intégralité de cette lettre parvenue à journaldesnations.net
Sir,
Avec espoir que la présente vous parvienne, à votre descente de l’avion, à Lubumbashi, ce 10 Juin 2022.
Afin que la visite du couple royal ne se limite aux simples protocoles d’Etat, il vous convient de matérialiser le discours exprimant votre volonté d’ouvrir une nouvelle ère entre le Royaume de Belgique et la République Démocratique du Congo (RDC). Tel est le souhait du congolais lambda qui aimerait aussi voir l’avenir en des termes radieux.
Certes, il ressort de votre discours du 08 juin 2022 à Kinshasa, l’expression de votre « regret » sur le passé. Tant mieux, si le regret exprime principalement votre remord et la compassion, en tant que descendant direct des présumés auteurs d’actes répréhensibles décriés de cette histoire, envers des descendants et victimes directes des faits historiques que vous regrettez. Ci-après, un petit rappel de la triste histoire et une recommandation.
Pour rappel, les 80 ans de la colonisation de la RDC par la Belgique faisait suite aux siècles de l’esclavage qui avait déjà essoufflé les royaumes qui peuplaient le territoire devenu, aujourd’hui, la RDC. L’histoire apostrophe d’innommables atrocités, l’exploitation humiliante et dégradante de l’être humain (le congolais) par un autre être humain (le belge), une série de massacres, de massive et systémique dépossession des richesses matérielles et culturelles.
Bref, l’histoire de la Belgique en RDC, faisant l’objet de l’expression de votre regret, est celle des gravissimes violations des droits humains dont les victimes étaient choisies à cause de leur race noire ou leurs origines africaines. Une histoire dont l’issue continue à profiter aux descendants du vainqueur jouissant des butins amassés, au détriment de ceux du vaincu qui en sont sortis appauvris et affaiblis. Voilà sur quoi porte les regrets.
Nonobstant la souffrance collective que le peuple congolais continue à souffrir, votre visite peut constituer un tournant au-delà de la dimension morale du regret exprimé. Que ne pourriez-vous pas agir à titre personnel ou celui de votre couple royal, en plus de la coopération étatique.
Tenez ! Les sud-africains, noirs et blancs, affrontent ensemble leur histoire d’apartheid, en partageant directement ou indirectement, d’une façon ou d’une autre, les richesses dont les blancs jouissaient exclusivement, par le passé. A travers des investissements locaux, différentes industries créent des emplois pour les moins nantis. Par contre, la Belgique a amassé d’énormes richesses dont elle jouit seule, à distance.
Face à l’avenir, votre part de responsabilité personnelle ou celle de votre couple royal consisterait à redonner ou partager votre joie de vivre avec cette communauté congolaise qui vous reçoit ce jour. Vous avez le devoir moral de réinjecter une portion de la fortune royale dans les industries touristiques, d’œuvre de charité ou de la recherche scientifique.
A travers une Fondation philanthropique privée qui porterait votre nom ou celui de votre grand-père, vous pouvez construire un musée privé qui raconte l’histoire commune belgo-congolaise. Vous pouvez subventionner une institution d’encadrement des démunies, d’octroi des bourses d’études ou de la recherche scientifique. Vous pouvez subventionner des parcs nationaux ou des jardins zoologiques, afin de protéger des espèces rares menacées. Vous pouvez subventionner la protection de la nature, l’environnement et la biodiversité. Oui, vous pouvez le faire, au-delà de votre discours moralisant.
Maître Tshiswaka Masoka Hubert/ Directeur général de IRDH