« Il faut arrêter avec le terme rwandophone, il y a soit des Hutu ou des Tutsi et non des rwandophones », professeur Tshibangu Kalala

C’est plutôt une leçon pédagogique à laquelle ont assisté les femmes et hommes des médias ce mercredi 1er février 2023 à Kinshasa. Ce briefing très spécial et particulier a donné l’occasion au professeur Tshibangu Kalala de l’Université de Kinshasa de faire un focus sur la question des frontières de la République Démocratique du Congo partant de la création, de la délimitation ainsi que de la démarcation de toutes ces limites avec les pays voisins. Une occasion pour expliquer les origines des différents conflits à l’est de la RDC.

Au cours de ce face à face avec la presse organisée comme à l’accoutumée par le ministre de la communication et médias, Patrick Muyaya, il a été essentiellement question de faire la lumière sur la situation des frontières orientales de la RDC. Répondant la question de l’existence ou pas des rwandophones dans le pays, le professeur Tshibangu Kalala est catégorique : « Il faut arrêter avec le terme rwandophone, le concept rwandophone n’a aucun sens », a-t-il insisté. 

Pour lui, on ne peut parler que soit des Hutu, ou des Ba Hunde, ou des Tutsi ou par exemple aussi des Nande et non des rwandophones, car il n’y a pas une langue appelée langue rwandophonique. Rappelant la genèse de ces différentes populations en RDC,  Tshibangu Kalala souligne que le problème s’est posé déjà en octobre  1911.

A l’époque, il était question de se mettre d’accord sur le tracé de la frontière terrestre là où la RDC a  des problèmes actuellement avec le Rwanda, précisement vers Bunagana.

Selon le professeur Tshibangu, des techniciens tels que des géomètres, des topographes et autres sont allés là-bas pour poser des bornes. Après s’en est suivi, les explications aux populations locales pour leur dire la nouvelle frontière entre l’Allemagne et la Belgique, aujourd’hui entre le Rwanda et la RDC. Un délai de six mois est donné aux populations qui habitaient le long de cette frontière  pour que celles-ci choisissent en toute liberté de côté elles voulaient vivre ou rester. En novembre 1911, il y a des populations qui ont choisi d’aller au Rwanda.

Par contre, explique le professeur Tshibangu Kalala qu’il y a eu des populations surtout des Hutu qui sont restées au Congo, craignant d’être maltraitées de l’autre côté. « On ne va pas chez les allemands car ils sont entrain de fouetter les gens là-bas. Ils demandent des impôts et nous nous sentons bien ici au Congo sur l’autorité de la Belgique, donc nous voulons rester congolais », ont déclaré ces populations selon Tshibangu.

De son côté, le ministre Patrick Muyaya renchérit : « Sur cette question de rwandophone, on est tous tombé dans un piège. Quand on parle de Rwandophone on fait du meli melo. Il y a des Tutsi, des Hutu en RDC. Le concept a été créé dans une vague avec le souci clair de se dire comme il n’y a personne qui se présente comme le défenseur en chef de ces communautés, J’assois ma domination sur toutes ces populations qui parlent le kinyarwanda ». Et pour conclure sur ce sujet, Patrick Muyaya a souligné : « Je souhaiterai que dorénavant, qu’on parle des Tutsi ou des Huyu comme on parle des Bakongo ».

Le professeur Tshibangu Kalala est enseignant des Droits des organisations internationales et du Droit international de l’environnement, et également auteur du livre « RDC et ses 11 frontières internationales ». Fruit des 10 années de recherche, cet ouvrage de 920 pages, présente dans les moindres détails l’histoire de la République Démocratique du Congo de l’origine de ses frontières lors de l’état indépendant du Congo au 19ème siècle à nos jours.

Christiane EKAMBO