Kinshasa: Certains employeurs violent le code du travail congolais!

Kinshasa, capitale de la RDC, est l’une des plus grandes métropoles africaines qui abritent plusieurs entreprises  étrangères, comme congolaises. D’où, plusieurs travailleurs et employeurs. Il ressort des investigations que certains travailleurs ne jouissent pas de la protection de leurs droits pourtant garantis par le code de travail en vigueur, censé règlementer le secteur. Des employeurs étrangers, notamment libanais, indiens, chinois et autres, traitent selon leur entendement les travailleurs congolais, portant ainsi atteinte aux dispositions dudit code.

Des cas des personnes qui ne jouissent pas de leurs droits à Kinshasa sont légion. Sur le terrain, quelques-uns se sont confiés à la presse faisant part du traitement inhumain qu’ils subissent.

Des bavures, comme harcèlement sexuel ou moral, injures graves, sont commises au quotidien dans ces entreprises, alors que l’alinéa premier de l’article 73 du code travail congolais stipule: «l’employeur commet une faute lourde qui permet au travailleur de rompre le contrat lorsqu’il manque gravement aux obligations du contrat, notamment dans les cas suivant: l’employeur ou son préposé se rend coupable envers lui d’un acte d’improbité, de harcèlement sexuel  ou moral, d’intimidation, de voies de fait, d’injures graves ou tolère de la part des autres travailleurs de semblables actes». Or, dans des cas pareils, ledit code de travail en vigueur autorise la résiliation du contrat.

La campagne de vulgarisation du code de travail congolais par les inspecteurs à travers les entreprises semble ne pas encore porter les fruits. Le contrôle des inspecteurs du travail au sein des établissements des entrepreneurs tant étrangers que congolais ne semble pas améliorer la situation des travailleurs congolais. Le Syndicat national des travailleurs censé veiller au respect du code de travail assiste impuissant à la situation.

Conséquences: certains chefs d’entreprises étrangers violent intentionnellement les dispositions de la bible du secteur de travail de la République Démocratique du Congo. Selon les informations à notre disposition, les nationaux œuvrant dans leurs magasins, usine de panifications, entreprises, etc, travaillent dans des conditions piteuses en plus du traitement qui frise l’esclavagisme en plein XXIème siècle.

Gifles, harcèlement sexuel, travail non-protégé par un contrat comme prévu par la loi congolaise, absence de prévoyance sociale, sont les principaux dérapages dont les Congolais sont victimes dans l’exercice de leur travail auprès de ces expatriés.

De ces faits, ils violent ainsi l’alinéa 2 de l’article 39 du code de travail congolais qui dispose: «tout contrat de travail est à durée déterminée ou à durée indéterminée».

L’article 40 ajoute : «est à durée déterminée le contrat qui est conclu soit pour un temps déterminé, soit pour un ouvrage déterminé, soit pour le remplacement d’un travailleur temporairement indisponible. Néanmoins, dans le cas d’engagement au jour le jour, si le travailleur a déjà accompli vingt-deux journées de travail sur une période de deux mois, le nouvel engagement conclu, avant l’expiration de deux mois est, sous peine de pénalité, réputé conclu pour une durée indéterminée».

Traitement des travailleurs

Clémence Mbumbi, ancienne caissière dans une usine de panification libanaise, a démissionné de son poste, il y a quelques mois, pour avoir été victime d’un harcèlement sexuel de la part de son employeur libanais. Malgré la dénonciation, ce dernier reste sans inquiétude. «C’est malheureux! J’ai perdu mon travail, parce que je n’ai pas voulu céder avances de mon patron. J’étais alors fiancée et le monsieur menaçait de me virer si je ne lui donnais pas ce qu’il désirait. J’ai dû démissionner avant qu’il ne me licencie», a-t-elle relaté.

Journalier depuis trois ans, un agent de la même société libanaise, s’étant confié sous couvert d’anonymat, déplore les réactions intempestives, qui vont jusqu’à des gifles, dont il est souvent victime avec ses collègues à chaque erreur commise pendant l’exécution. En larmes, et avec un cœur meurtri, il s’est confié en ces termes : «Je travaille dans cette société en tant que journalier depuis trois ans, mais ce que nous subissons est déplorable. Nous recevons des gifles à chaque erreur. Pendant le service de nuit, notre patron ne s’empêche pas parfois de déchirer nos cartes de service de journalier».

Irrégularité tolérée

Travaillant depuis 5 ans comme journalier dans un magasin Shi Liuming des chinois situé au marché central, Delphin Kakwata dit en avoir ras-le-bol de continuer ce travail sans garantie. «J’ai travaillé depuis cinq ans dans Shi Liuming, magasin chinois d’articles divers comme journalier et lorsque l’un des frères de mon boss a ouvert un autre magasin sur l’avenue Rwakadingi, il a plu à mon patron de me transférer à son frère pour huit mois. Je me suis alors décidé de quitter plus tôt, parce que je n’avais aucune assurance», a-t-il fait savoir.

Niclette Massamba, rencontrée dans un magasin appartenant à un sujet indien, dit recourir à ce travail par un manque criant d’emploi décent. Elle l’a expliqué en ces termes: «Je fais ce travail malgré moi. C’est par manque d’emploi que je continue avec ces indiens même si ce que je perçois ne répond pas suffisamment à mes besoins. Je travaille avec eux depuis deux ans comme journalière et je touche à peine 80$ le mois».

Activiste de droits de l’homme, formateur en droits humains et en gestion et résolution pacifique des conflits et juriste de formation, Jacob Tshituka estime que pour mettre fin à ce fléau, il revient en premier lieu au ministère du travail et de la prévoyance sociale d’informer les travailleurs sur leurs droits et devoirs; et, en outre, de s’assurer que les lois sont respectées par les employeurs.

«Normalement, la loi congolaise, telle qu’elle est conçue, protège la main d’œuvre congolaise. Il n’y a que le ministre ayant le travail et la prévoyance sociale dans ses attributions qui n’accomplit pas sa mission. Il ne sait pas contrôler si réellement chaque congolais engagé chez les expatriés a un compte INSS, qui est une garantie pour le travailleur de survivre lorsque sonnera le moment de la retraite. Tant qu’on est en train de l’utiliser et qu’il n’a pas de compte INSS, que signifie la prévoyance sociale alors?», s’est-il interrogé.

Et de dénoncer : «les inspecteurs du travail, malheureusement, lorsqu’ils se rendent aux lieux de travail pour des contrôles, ils ne se fient qu’aux dires des employeurs. Ces derniers leur présentent de fausses listes et des pourboires sans consulter les concernés. J’ai vécu ce cas avec l’un de mes oncles qui travaillait dans un laboratoire appartenant à un citoyen libanais. Dans la liste que présentait son patron chez les inspecteurs, il occupait le poste de gérant, alors qu’agent simple dans la vie normale. Vous ne pouvez pas dire que vous protégez quelqu’un si lui-même l’ignore ou sans être en communication avec lui. Triste!».

Par ailleurs, ce professionnel de droits a suggéré à ces inspecteurs de rentrer sur le même terrain pour échanger avec les travailleurs en vue d’être mis au parfum de la réalité des faits. Un peu plus loin dans l’entretien, Mr Tshituka a analysé que le syndicat national des travailleurs ne joue pas son rôle comme il se doit.

«C’est aux syndicalistes que revient la charge de veiller sur les droits des travailleurs. Voilà que les congolais sont engagés dans l’irrégularité, par rapport aux prescrits du code de travail. Il y en a qui sont appelés journaliers alors qu’ils travaillent pendant des années dans le même établissement, et les syndicalistes tolèrent cela. Les syndicalistes ont failli à leur mission. Un droit est droit lorsqu’il est revendiqué, dit-on. Ils doivent instruire et expliquer aux travailleurs leurs droits et devoirs garantis par la loi afin qu’ils sachent les revendiquer et saisir les instances compétentes», a-t-il proposé.

De son côté, Nancy Bitumba, avocate au barreau de Matete renchérit que l’inspection générale de travail devrait se presserd’imposer l’application de cette loi aux chefs d’entreprises étrangers : «Il est vrai que les congolais employés par les expatriés subissent un mauvais traitement, dégradant et inhumain lié notamment aux conditions de travail (salaire, sécurité…), et cela en violation du code de travail, instrument juridique censé protéger la partie économiquement faible.

Alors, je pense que pour remédier à cela, l’inspection générale du travail doit reprendre en main sa mission de faire appliquer strictement les dispositions relatives aux conditions de travail et la protection des travailleurs dans l’exercice de leur profession. Cela conformément à l’article 187 du code de travail», qui stipule  en son alinéa premier, point a):

L’inspection du Travail a pour mission de: Assurer l’application des dispositions légales relatives aux conditions de travail et à la protection des travailleurs dans l’exercice de leur profession, telles que les dispositions relatives à la durée du travail, aux salaires, à la sécurité, à l’hygiène et au bien-être, à l’emploi des femmes, des enfants et des personnes avec handicap, aux conflits collectifs, aux litiges individuels du travail, à l’application des conventions collectives, à la représentation du personnel et d’autres matières connexes », a-t-elle conclu.

René KANZUKU

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