La radio commence à diffuser le 25 octobre 1959 sous le nom de Radio Haute-Volta. Une trentaine d’années environ après, la première radio privée voit le jour sous le nom de radio Fréquence Magique en 1986, rebaptisée Horizon FM en 1991. De ces dates emblématiques et soubassement de la genèse de la radio de l’ex Haute-Volta à l’actuel Burkina Faso des hommes et des femmes ont marqué de leurs empreintes leurs passages au sein de la radio en général.
Pour ce qui concerne la représentation de la gent féminine en radio en général les chiffres ne sont pas assez disponibles pour instruire le présent et la postérité. Voici un aspect de la radio qui cherche preneur pour objet de recherche scientifique des rédacteurs et rédactrices de mémoires et de thèses. Au niveau des radios privées en particulier, l’effort d’archivage de ces statistiques se veut relatif d’une radio à l’autre ; mais la problématique demeure quand bien même nous militons en faveur de la réalisation du cinquième Objectif mondial des Nations unies, qui préconise de parvenir à l’égalité de genre et l’égalité de représentation dans tous les domaines.
Les femmes en radio sont au fil des années, animatrice, présentatrice, reporter, journaliste, de plus en plus technicienne voire chef de desk ou de programme, rédactrice en chef, chef de station ou encore directrice générale dans le secteur radiophonique privé comme public au Burkina Faso en particulier. Des deux côtés de l’antenne, les femmes ont joué un rôle fondamental dans le développement général de la radio et les pratiques de radiodiffusion, qu’elles ont fortement influencés. Les formats et genres de programmes qu’on considère aujourd’hui comme allant de soi, notamment les feuilletons, les documentaires sociaux et les émissions-débat, ont été conçus pour une audience féminine. Ça avance, mais sans exagération, elles occupent encore une place minoritaire aux côtés de leurs collaborateurs masculins au sein de nombreuses rédactions et staffs administratifs de radios aussi bien dans les grandes villes qu‘en campagne profonde.
Les aptitudes professionnelles restent de loin l’explication majeure de cette situation. Le contexte social fortement stéréotypé pèse sur la balance des raisons de cette sous-représentation féminine dans les médias en général et en radio en particulier. « Elle a la cuisse légère », « C’est une femme insoumise », « Elles aiment l’indépendance », c’est une fine liste des expressions collées aux femmes des médias. Les femmes sont plus que les hommes, caractérisées par leur apparence physique, leur âge et leur situation familiale : biologisées, elles sont ainsi renvoyées à leur supposée nature.
C’est réel et c’est pourquoi, il est convoqué en témoignage l’autrice, professeur et ancienne journaliste canadienne Geneviève A. Bonin-Labelle. Elle explique qu’à un moment de ses 20ans de carrière, on lui a fait des propositions inappropriées pour monter les échelons. Elle raconte qu’une collègue avait succombé, prête à tout pour accéder à des postes plus importants. Les hommes en position de pouvoir qui commettent des abus ne sont pas toujours dénoncés.
C’est encore parfois ce qui nous attend, en tant que femmes, pour avancer, se désole l’ancienne journaliste. Elle affirme d’ailleurs que parmi les obstacles rencontrés par les femmes, le mythe de la voix radiophonique idéale, qui doit être grave et masculine, est encore répandu. Les voix féminines ou avec des accents demeurent moins entendues et doivent souvent se conformer et s’approcher du standard pour être admises. Les hommes ont créé et continuent de créer la norme. C’est inhabituel de voir des femmes dans certains milieux et plus encore des femmes issues de la diversité. Il reste encore des plafonds de verre à éclater conclut-elle.
Bien qu’aujourd’hui, des lois et des mesures existent pour faciliter la conciliation famille-travail, les mères doivent parfois se battre pour défendre leurs droits. En 2008, le cas d’Alexandra De Coster, qui anime alors l’émission matinale de Rythme FM à Québec, suscite un tollé : elle est victime de discrimination en raison de sa grossesse et poursuit la station en justice. Le tout se règle dans une entente hors cours.
En septembre 2019, la BBC publiait sur son site l’histoire de Sediqa Sherzai, fondatrice et rédactrice en chef de Radio Roshani, elle a créé cette station en 2008 dans la ville de Kunduz, dans le nord de l’Afghanistan. Malgré les menaces de mort et d’autres difficultés liées à la guerre, la station gérée en majorité par des femmes continue d’émettre et ouvre l’antenne aux femmes, leur offrant une importante tribune publique.
Le Global Media Monitoring Project a publié en 2015, la plus vaste étude sur l’image, la participation et la représentation des femmes dans les médias d’information, menée sur 20 ans et couvrant 114 pays. Il en ressort que les femmes ne représentent que 20 % des sources d’experts dans les médias, et seulement 24 % de personnes entendues, lues, ou vues dans les journaux, à la télé ou à la radio.
Souvent, les journalistes consultent les mêmes sources à plusieurs reprises, par commodité. Cependant, les médias peuvent aider à transformer des sources féminines qui ne sont généralement pas consultées en expertes de premier plan dans leur domaine ou les solliciter pour des reportages spécifiques. Le manque de représentation dans les salles de rédaction et les entreprises de médias signifie que les femmes ont moins d’occasions de partager les expériences d’autres femmes et les problèmes qu’elles rencontrent. Les femmes journalistes sont également deux fois plus enclines à remettre en question les stéréotypes de genre dans leurs reportages que les journalistes masculins.
La Journée mondiale de la radio en 2014 a été l’occasion de célébrer les femmes à la radio et l’autonomisation des femmes, mais aussi de noter que l’égalité des genres restait un défi au sein des médias. Au Burkina Faso, en radio et autres, les femmes sont présentes et s’intéressent à quasiment tous les domaines comme la culture (Denise Dofini-Leinnimi Coulibaly), en sport (Christelle Paré/Dabré), en environnement (Victorine Zongo), journaliste de guerre (Mariam Ouédraogo), en santé (Bénédicte Sawadogo), les réseaux sociaux (Raissa Comporé), dans la formation médias (Aissata Sankara et Annick R. Kandolo), etc.
Bien qu’il reste encore beaucoup à faire et dans un environnement sonore longtemps dominé par les hommes, les femmes ont mis du temps à se forger une place à la radio. Auditrices assidues depuis l’origine, elles ont pourtant contribué à façonner l’histoire de ce média. Celles qui ont fait leur place ont pavé la voie pour les femmes de radio de demain. Au Burkina Faso, en juin 2002, l’association féminine Munyu de la commune de Banfora, crée la radio Munyu afin de faciliter la communication avec ses adhérents. Hommage à feu Lucie Traoré/Coulibaly (décédé 06 novembre 2018), directrice à l’époque de la radio Munyu.
L’aventure ne s’arrête pas là pour décloisonner les espaces masculins. En 2007 à Ouagadougou, la radio Fémina FM voit le jour. Son objectif également donner la parole aux femmes. Elle développe des programmes interactifs et en langues nationale sur les droits des femmes, la santé de reproduction pour sensibiliser les auditrices et les auditeurs.
On pourrait pourtant essayer des alternatives car générer du contenu médiatique par, pour, et à propos des femmes est une nécessité. Dans ce sens l’éducation est l’approche la plus efficace pour lutter contre les stéréotypes liés au genre dans les médias. L’objectif est de former les rédactions afin que les journalistes puissent se débarrasser consciemment de leurs propres préjugés. A côté de cela, il siérait d’initier des programmes dédiés et pilotés par les femmes et qui peuvent susciter des débats d’idées tout en agissant comme vecteur de conscientisation auprès des femmes. C’est l’exemple de l’émission jeunes wakat pour elles réalisée en français et en langues nationales par l’Union Nationale de l’Audiovisuel Libre du Faso (UNALFA) et diffusée à travers ses radios membres sur l’ensemble du territoire burkinabè.
Pour y arriver le régulateur aussi doit s’assurer que les différents droits humains en jeu n’entrent pas en conflit. La réglementation ne doit pas réduire indûment la liberté d’expression au nom de la protection de l’égalité de genre.
Au Burkina, l’’Association des professionnelles africaines de la communication (APAC) milite pour la prise en compte du genre tout en insistant surtout sur la qualité dans le travail, en un mot au professionnalisme.
L’idée que la radio puisse rassembler les femmes au-delà des frontières nationales s’est développée dans l’après seconde guerre mondiale. Elle a été à l’origine de la création de l’Association internationale des femmes de radio (IAWR) en 1951 (le T de télévision a été ajouté en 1957). L’IAWRT, qui existe toujours, a été fondée pour promouvoir la paix en rassemblant les femmes du secteur de la radiotélévision afin qu’elles partagent des idées et des informations.
Aujourd’hui, l’IAWRT est un réseau mondial composé de membres originaires de 54 pays à travers le globe, qui met l’accent sur l’égalité des genres et s’emploie à soutenir et améliorer le rôle et la participation des femmes dans les médias et la communication.
Rachid Assade ZONGO