Décidément, très peu le savent. En 2004, l’Abbé Apollinaire Malumalu a été choisi président de la Commission électorale indépendante -CEI- par la société civile du Nord-Kivu à qui l’Accord global et inclusif accordait ce poste. Et en 2011, le pasteur Ngoyi Mulunda de l’Eglise du Christ au Congo -ECC- a été désigné président de la Commission électorale nationale indépendante -CENI- par sa famille politique la MP/PPRD sur base de la loi organique du 28 juillet reconnaissant à la plateforme politique, alors majoritaire à l’Assemblée nationale, cette charge. Bien que tous deux soient religieux, ils n’étaient pas encore une émanation des 8 Confessions religieuses, à savoir l’Eglise Catholique romaine, l’ECC, l’Eglise Orthodoxe, l’Armée du Salut, l’Eglise kimbanguiste, l’Eglise du réveil en RD-Congo, l’Union des Eglises indépendantes au Congo et la Communauté islamique en RD-Congo.
Fin juin 2019, fin du mandat de l’équipe dirigeante de la Commission électorale nationale -CENI. Déjà, le renouvellement du leadership de cette institution d’appui à la démocratie se prépare. Selon l’article 10 de la loi organique en vigueur, «la CENI est composée de treize membres désignés par les forces politiques de l’Assemblée nationale à raison de six délégués, dont deux femmes par la Majorité et de quatre, dont une femme par l’Opposition politique. La Société civile y est représentée par trois délégué issus respectivement des Confessions religieuses, des Organisations féminines de défense des droits de la femme, des organisations d’éducation civique et électorale».
L’enjeu occasionne une agitation dans la société civile qui y pourvoie trois membres parmi lesquels sortira le président du Bureau de la CENI. Le spectacle le plus honteux vient des milieux des Confessions religieuses dont l’unité, pourtant exemplaire à travers l’Afrique et le monde, a été sacrifiée à l’autel des intérêts minimalistes. La Commission d’intégrité et médiation électorales qu’elles ont toutes créée en septembre 2014 qui compte aujourd’hui six des huit confessions religieuses après le départ, il y a quelques semaines, de l’ECC annoncé dans les médias par le jeune pasteur, porte-parole du Révérend du Président national de l’ECC, Bokundoa, qui ne s’est pas empêché d’affirmer que «la CIME a été vidée de toute sa substance».
À se demander le sens de cette petite phrase glissée dans un entretien médiatisé où il parlait également de la restructuration de la CENI. «Les six autres Confessions religieuses ne représenteraient-elles rien dans son esprit?». Et d’autres se déclarant «experts électoraux» ont à attribuer aux Confessions religieuses présentes à la CIME tous les péchés des présidents de la CENI -et CEI. Ils ont choisi de faire fi, s’ils ne l’ignorent pas réellement, de l’histoire de la centrale électorale RD-congolaise. «Qui veut tuer son chien l’accuse de rage», dirait l’autre.
Rappel historique
La création de la CENI remonte à l’Accord global et inclusif de Sun city qui a consacré le partage équitable et équilibré du pouvoir entre le gouvernement officiel de Kinshasa et les forces belligérantes qui occupaient différentes parties de la RD-Congo. Le fameux 1+4. Dans cet accord, la société civile de la province du Nord-Kivu s’est vu attribuer le poste du Président de la Commission électorale indépendante à créer. En 2004, feu abbé Apollinaire Malumalu est désigné président de la CEI. Il lui est confié la lourde mission de créer cette CEI en partant de presque rien.
À l’époque, rares sont des leaders RD-congolais qui croyaient réellement aux élections. «Malumalu n’avait pas de financement. Un de ses amis lui avait d’ailleurs donné des locaux à crédit vers l’immeuble royal, équipés justes des chaises en plastiques. Grâce à son génie, il a pu mobiliser les moyens et relever le pari d’organiser les premières élections démocratiques en RD-Congo qui naturellement n’était pas parfaites, étant une œuvre humaine», rappelle un proche de l’Abbé Malumalu. Le prêtre catho organisera Cinq scrutins, dont trois directs, notamment les élections présidentielles à deux tours, les législatives nationales et provinciales, et deux indirects, les élections des sénateurs et celles des gouverneurs.
De 2011 à 2013, le Pasteur méthodiste Ngoy Mulunda, venu du parti présidentiel d’alors, le PPRD, membre de la Majorité présidentielle -MP-, prend les rênes de cette Institution de gestion des élections sur base de la Loi organique du 28 juillet 2010. Il va organiser seulement trois élections. La présidentielle et les législatives nationales et provinciales.
De 2013 à 2019, grâce la Loi organique du 19 avril 2013, la Société civile prend la responsabilité du choix du président de la CENI. Le 11 mai 2013, les Confessions religieuses de la RD-Congo désignent l’abbé Malumalu comme président de la CENI. Si les évêques de la CENCO ne l’ont pas soutenu, l’abbé Malumalu a eu le soutien de son évêque, Mgr Sikuli Paluku Melchisédech. Le prêtre prête serment le 14 juin et fait la remise-reprise avec son prédécesseur Mulunda le 27. Pour des raisons de santé, Malumalu démissionne le 10 octobre 2015 et mourra quelque temps après.
Le 21 octobre, les Confessions religieuses portent leur choix sur le Secrétaire exécutif national adjoint de la CENI, Corneille Nangaa. L’idée des Chefs des Confessions religieuses étaient d’y placer quelqu’un qui préserverait les acquis de l’abbé Malumalu. Et sur papier, Nangaa faisait l’affaire.
À en croire les procès-verbaux des réunions en rapport avec le processus de désignation, sa candidature a été portée par l’Eglise catholique qui finit par se rebiffer la veille de la réunion finale. Nangaa prêtera serment le 19 novembre 2015 et prendra ses fonctions le jour suivant. Son mandat arrive à terme ce 27 juin. Il a finalement réussi l’organisation de l’élection présidentielle consacrant la première alternance démocratique et pacifique en plus des élections législatives nationales et provinciales ainsi que celles des gouverneurs et sénateurs.
Son administration a été sévèrement critiquée et parfois citée -à tort ou à raison? À l’histoire de nous le dire- dans beaucoup de malversations financières et a été reprochée de travailler pour le pouvoir de Kabila.
En même temps, il est à noter que les dernières élections générales en RD-Congo ont été tenues dans un climat très pollué par la méfiance entre les parties prenantes, un des discours politiciens souvent irresponsables. Surtout, la société civile RD-congolaise en grande partie politicarde n’a pas joué son rôle de gardien de vrais intérêts du peuple, se complaisant souvent à verser dans des positions politiciennes. Et donc, la tension postélectorale que l’on constate est la résultante de toutes ces failles.
Beaucoup espèrent que forts des trois processus électoraux conclus dans la douleur, parfois au prix du sang, les RD-Congolais, particulièrement les leaders politiques et religieux feront davantage preuve de patriotisme et de maturité en privilégiant l’intérêt général au détriment des guéguerres fratricides qui au finish ne profitent même pas à eux-mêmes.
Rappelons que la désignation des membres de la CENI à venir sera entérinée par l’Assemblée nationale et ils sont investis par ordonnance présidentielle. Ils auront un mandat de six ans non renouvelable.
HRM