Nord-Kivu : près de 30 % des jeunes filles du secteur de Rwenzori enceintes et hors de l’école

Près d’un tiers des jeunes filles en âge scolaire n’ont pas repris le chemin de l’école dans plusieurs localités du secteur de Rwenzori, territoire de Beni, au Nord-Kivu, à la rentrée 2025-2026. Selon la Convention pour le Respect des Droits Humains (CRDH), antenne de Rwenzori, environ 30 % des anciennes élèves sont aujourd’hui enceintes, une situation que l’organisation qualifie d’« extrêmement préoccupante ».

« Nos monitorings effectués dans les zones de Bulongo, Mutwanga, Lume et Kasindi montrent qu’environ 30 % des filles en âge d’étudier fréquentent actuellement les hôpitaux pour des consultations prénatales », a déclaré Muhindo Sikwaya Merveille, coordonnateur de la CRDH/Rwenzori, au Journal des Nations ce samedi.

Les observations de la CRDH reposent sur 55 jours de suivi de terrain depuis la rentrée scolaire. Les zones de santé de Bulongo, Mutwanga, Lubiriha, Kangauka et Kasindi ont toutes signalé une forte présence de jeunes filles enceintes dans les centres de santé.

À Bulongo, identifiée comme l’épicentre de la débauche juvénile, la situation est particulièrement alarmante : plusieurs adolescentes âgées de 12 à 17 ans ont quitté l’école après une grossesse.

« Ces filles sont tombées enceintes pendant les vacances, souvent après avoir échappé à la surveillance parentale ou s’être livrées à de petites activités commerciales autour du cacao. Certaines ont également été victimes de violences sexuelles », précise Merveille Sikwaya.

Pauvreté, absence d’éducation sexuelle et violences : les causes profondes

D’après la CRDH, les grossesses précoces dans le secteur de Rwenzori résultent d’un ensemble de facteurs sociaux, économiques et éducatifs. Le manque d’éducation sexuelle complète figure parmi les principales causes : les élèves ne reçoivent pas d’informations suffisantes sur la santé reproductive, la contraception ou la prévention. La pauvreté joue également un rôle déterminant, car de nombreuses jeunes filles issues de familles défavorisées sont poussées à échanger des rapports contre de l’argent.

Les mariages précoces et certaines normes culturelles favorisent également le phénomène. Dans plusieurs communautés, les relations avec des mineures ne sont pas perçues comme des délits. À cela s’ajoutent les violences sexuelles, dont de nombreux cas sont signalés sans qu’il y ait poursuites judiciaires, ainsi que le manque d’encadrement parental, notamment pendant les vacances scolaires.

« Dans des villages éloignés, la loi sur la protection des enfants est peu connue. Le viol sur mineure reste impuni, et certaines familles préfèrent régler ces affaires à l’amiable », déplore le coordonnateur de la CRDH.

Le retour difficile à l’école

Même si le gouvernement congolais autorise désormais les filles enceintes à poursuivre leurs études, la CRDH constate que la majorité d’entre elles restent à la maison. Entre stigmatisation, honte et manque de soutien, ces jeunes filles se retrouvent isolées.

« Une fille enceinte à l’école devient la cible des moqueries de ses camarades et parfois même des enseignants. Les familles, souvent pauvres, ne leur apportent plus de soutien. Certaines se sentent rejetées et abandonnent définitivement l’école », explique Merveille Sikwaya.

L’organisation relève également une divergence de position entre l’État et certaines confessions religieuses, notamment l’Église catholique, encore réservée quant à la présence de filles enceintes dans les établissements scolaires.

Des solutions proposées

Pour faire face à cette crise éducative et sociale, la CRDH/Rwenzori recommande d’introduire une éducation sexuelle complète adaptée à la réalité locale dans les écoles et de mener des campagnes communautaires de sensibilisation afin de briser les tabous et d’informer les jeunes sur la santé reproductive. Elle suggère également de renforcer la planification familiale et l’accès aux soins de santé pour les adolescents, tout en offrant un accompagnement psychologique et matériel aux jeunes filles enceintes pour leur permettre de poursuivre leurs études.

L’organisation plaide enfin pour l’application rigoureuse de la loi contre les auteurs de viols et d’exploitation des mineures.

« Il faut apprendre aux enfants la vérité sur la reproduction humaine. Appelons les choses par leur nom. C’est ainsi que nous pourrons prévenir au lieu de subir », insiste le coordonnateur de la CRDH.

La CRDH lance un appel pressant aux autorités éducatives, aux confessions religieuses, aux parents et aux organisations locales afin d’unir leurs efforts pour protéger les jeunes filles du secteur de Rwenzori et garantir leur droit à l’éducation.

Gloire Tsongo / Beni

Laisser un commentaire